Le
spiritualisme
=
Définition
générale: la doctrine
Au
contraire du matérialisme, qui, en réduisant l'esprit à la matière,
ramène tout ce qui existe à la seule réalité matérielle ( =
monisme), le spiritualisme en affirmant l'existence d'une réalité
spécifique distincte de la matière et du corps qui se nomme
esprit ou âme, selon qu'on l'oppose à la matière (esprit) ou au
corps (âme), admet ainsi deux réalités(dualisme), par exemple
l'âme et le corps, irréductibles l'une à l'autre et pourtant
"unies conjointement". (Cf. Descartes, Les passions
de l'âme, Art,30
Le
spiritualisme est donc une doctrine qui affirme l'existence en
l'homme d'un principe de la pensée (l'esprit) qui ne saurait être
réduit à la vie et à la matière. Ce principe est source de
pensée et de liberté alors que dans la nature matérielle on ne
trouverait, selon le spiritualisme, que de l'étendue et des
mouvements.
On
distinguera (en particulier avec Bergson):
-
Le
dualisme vulgaire qui
oppose radicalement deux réalités qui s'excluent au
point qu'il devient impossible de comprendre comme l'homme et
la nature peuvent malgré cette dualité présenter des
comportements et des organisations capables d'autonomie.
-
Le
dualisme comme méthode ou encore le dualisme de "point
de vue" à
travers lequel c'est toujours l'unité de la personne qui est
visée: il s'agit de distinguer d'abord pour échapper aux
confusions et de mieux unir ensuite ce qui est si étroitement
conjoint (incarnation) grâce à cette distinction.
=
L'acte de naissance du
spiritualisme: Platon, Phédon ou de l'âme. (98-100)
On
peut affirmer que c'est Platon qui dans le Phédon signe pour
ainsi dire l'acte de naissance du spiritualisme, en réglant son
compte au matérialisme d'Anaxagore et, à travers lui,à la tribu
des présocratiques: selon Platon Anaxagore promet beaucoup en
subordonnant le tout à une Intelligence ordonnatrice, l'esprit
(nous). Mais il ne tient pas ses promesses allant jusqu'à oublier
l'esprit, l'intelligence, pour expliquer le comportement des
hommes. C'est que, comme souffle ou vent, le "nous"
d'Anaxagore est matériel.
Or, si Socrate, en prison, parle à ses amis en position assise
dans cette prison, ce n'est pas parce qu'il a des os et des
muscles (simples conditions qui obéissent à sa volonté
intelligente) mais parce qu'il obéit à un jugement que son âme
intelligente (= intellect) a porté sur ce qui vaut le
mieux: non pas s'enfuir après avoir dit et répété
durant toute sa vie qu'il fallait obéir aux lois de son pays,
mais s'en remettre à la cité et au jugement des magistrats
qui la représentent.
En
ne distinguant pas l'âme qui comme intelligence est cause véritable,
et ce sans quoi la cause ne serait jamais cause, le corps, en
confondant cause et simple condition, Anaxagore et sa postérité
se perdent, selon Socrate, dans l'obscurité, dans l'absurdité
d'une contradiction.
L'esprit comme intellect témoigne de la divinité organisatrice
et de la part divine dans l'humanité.
Le
spiritualisme apparaît aux rivages de lumière:
- La réalité d'un principe organisateur, d'une âme
dont l'acte est l'intelligence.
- L'existence d'une divinité.
- La participation de l'homme à la divinité par la
meilleure part de lui même.
- Les raisons de croire en l'immortalité de l'âme:
comment cette part divine disparaîtrait-elle avec la
matière corporelle composée?
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Tout
le Phédon doit se lire comme un effort de Platon/Socrate
pour orienter le choix de ceux qui l'écoutent: tout le propos de
Socrate est en effet de leur donner des raisons de croire
que l'âme est le meilleur d'eux même, qu'il faut en prendre
soin, que la mort est une délivrance du corps, que l'âme ne
meurt pas. Le spiritualisme émerge de cette persévérance
socratique. L'âme est immortelle parce que, n'étant pas composée,
elle ne peut se décomposer.
Le
spiritualisme se nourrira de la pensée de grands philosophes (
nombreux) mais c'est peut-être Bergson dans Matière et mémoire
(1896) et dans L' Âme et le Corps (1912) qui, armé des
connaissances scientifiques de son époque, continuera le mieux le
combat de Platon pour orienter le choix de tous ceux qui le liront
par des raisons de croire en l'âme et en son immortalité. |