° Rubrique philo-poche 

Cours de  PHILOSOPHIE par J. Llapasset

Philo-poche  

La matière et l'esprit

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Autour des deux mots

La matière et l'esprit sont deux éléments, deux dimensions, auxquels les sujets que sont le corps et l'âme participent tout en assumant des activités que présentent le cerveau et la conscience.

= On distingue la matière et le corps en ce que le corps est une organisation de portions de matière, du point de vue d'un sujet; un système constitué en fonction d'un être individuel, indivisible.

= De même, on distingue l'esprit et l'âme en ce que l'âme est l'esprit d'un sujet, d'une conscience ou si l'on préfère d'un moi: on peut dire que l'âme est immortelle, cela a un sens mais dire que l'esprit est immortel n'a pas de sens.

= Le rapport du corps à la matière (comme celui de l'âme à l'esprit) est celui du composant au composé, du fabriqué au constitué, avec tout le mystère de la genèse constituante. De ce fait si ni le corps ni l'âme ne sont réductible immédiatement et clairement à la matière et à l'esprit, il reste que réfléchir sur le corps et sur l'âme c'est aussi réfléchir sur la matière et l'esprit: l'assomption de la matière comme corps à la fois objet pour autrui et sujet pour moi et la transfiguration de l'esprit en cette résonance unique, cette balance intérieure qui résume l'âme en un seul soupir et pourtant rejoint les autres âmes. Comprendre que, je suis mon corps, c'est mon corps propre et pourtant il est un objet du monde pour celui  qui le regarde; d'autre part l'âme par son intelligence se particularise et par la pensée rejoint la pensée des autres. 

"L'activité cérébrale est à l'activité mentale ce que les mouvements du bâton du chef d'orchestre sont à la symphonie. La symphonie dépasse de tous côtés les mouvements qui la scande; la vie de l'esprit déborde de même la vie cérébrale." Bergson, L' Âme et le Corps.

II. Le parcours: question préalable, effort de définition.

La tentation est grande de suivre le chemin de la question préalable, de poser la définition de la matière, puis celle de l'esprit pour en déduire leur ressemblance, leur différence et leur relation, au risque de nous embarquer dans  un processus de théorie et d'expérimentation à l'infini ou pire de nous noyer dans le ciel de la métaphysique.

La matière

La matière peut se déterminer comme un composé de molécules: les molécules sont composées d'atomes: les atomes sont des systèmes d'électrons en mouvement autour d'un noyau formé de neutrons et de protons. La matière serait donc de l'énergie condensée dans le noyau atomique. Matière et lumière relèveraient d'une entité à deux faces, ondulatoire et corpusculaire. C'est dire que la mécanique ondulatoire prescrit la probabilité là où, au XIX è siècle,semblait triompher le déterminisme. Reste que comme composé et comme ensemble de mouvement, la matière se prête à l'analyse comme à la détermination approximative de paramètres (mesures) qui permettent l'explication, la mise en évidence d'un processus causal antécédent et la prévision. Dès lors dans ce fonctionnement mécanique, la liberté n'a pas sa place: c'est le royaume du hasard et de la nécessité.

L'esprit

A l'opposé, semble-t-il, l'esprit se pense comme principe ou élément constitutif de la pensée et de l'activité réfléchie. c'est dire du même coup que l'essence de l'esprit comme de la pensée c'est la liberté, l'imprévisibilité: 
l'esprit est puissance de création comme mouvement qui ne fabrique pas en répétant, mais qui pousse en avant, qui agit. A vrai dire, l'esprit n'est point car il est toujours plus que ce qu'il est. 

N'étant pas déterminé par ce qui le précède, il ne relève pas d'un processus causal antécédent et ne saurait donc  être expliqué. C'est un acte qui s'accomplit et qu'il est impossible de définir: parce qu'il est création, il désespère toute prévision, il souffle où il veut puisqu'il peut toujours tirer de lui même plus qu'il ne contient.

Notre tentative de définition nous laisse dans l'embarras devant un dualisme radical de ce qui semble ne devoir, idéalement, ne jamais se rencontrer et qui pourtant se rencontre quotidiennement dans l'obscurité d'un mystère, le mystère de l'incarnation de l'âme dans un corps: pour nous tout esprit est incarné.

Et l'expérience vécue ne nous donne jamais qu'un esprit incarné une âme et un corps tellement unis que le sort de l'un semble bien accompagner le sort de l'autre au point que l'enjeu de toute réflexion sur la matière et l'esprit semble être, à la fin du compte l'immortalité de l'âme ... des plus problématique.

Des deux définitions opposées nous ne pouvons déduire que des différences: une sorte de monstruosité: comment ce qui semble se fuir comme l'eau et le feu peut-il non seulement coexister mais encore avoir un lien de causalité: 
comment réduire le supérieur à l'inférieur sans avoir glissé subrepticement le supérieur dans l'inférieur? Dire que l'esprit est le produit de la matière n'est-ce pas encore plus fou que de dire que la matière est produite par l'esprit, que c'est de l'esprit détendu?

L'intelligence qui affectionne les découpages et les enchaînements semble exiger que nous passions du dualisme à un monisme qui expliquerait la matière et l'esprit dans un même mouvement. Alors, évidemment, on obtiendrait le repos de l'esprit mais à quel prix? On a souvent fait remarquer que sans l'esprit le matérialisme lui même n'existerait pas.

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