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Ortega y Gasset philosophe de l’Histoire

par Charles Cascalès, agrégé de philosophie,
auteur de ‘L’humanisme d’Ortega y Gasset’, PUF,1957

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II Le fondement de la connaissance historique

A) L'Historiologie (suite)

c) La dimension historique de la vie humaine.

Il faut en revenir à la réalité radicale qu'est la vie de chacun pour lui-même. Cette vie est ouverte aux autres sur le mode de la coexistence, distincte de l'inclusion qui est le mode d'ouverture aux choses n'impliquant pas la réciprocité. La coexistence (convivencia) se partage en coexistence interindividuelle et coexistence collective. La coexistence interindividuelle est une première transcendance par rapport à l'immédiat et au " psychologique ". Les formes d'interaction entre deux individus (amitié, amour, haine, lutte, compromis) sont des phénomènes bipolaires dans lesquels deux séries de phénomènes psychiques constituent un phénomène ultra-psychique. Le complexe formé de deux vies humaines vit de sa vie propre, selon des lois particulières, avec une structure originale, et il se déploie suivant un processus qui oriente ma vie et celle de mon prochain. Mais cette vie interindividuelle, y compris chacune des portions individuelles qu'elle renferme, trouve également devant elle un troisième personnage : la vie anonyme --ni individuelle ni interindividuelle-, strictement collective, qui enveloppe les individus et exerce sur eux des pressions de tous ordres. 

Ainsi, avant d'être des sujets psychologiques, nous sommes des sujets sociologiques. Car si chacun s'apparaît à lui-même comme un être indépendant parmi d'autres composant avec lui une société, en réalité c'est la société qui, en-deçà des individualités, constitue le fond d'où émerge chaque vie. L'esprit subjectif est porté par l'esprit objectif, pour employer le langage de Hegel. Mais la vie sociale, à son tour, comporte toujours une incomplétude : le caractère de changement incessant qui se manifeste dès le niveau de la vie individuelle se trouve encore plus accentué quand il s'agit de la vie sociale.

"À chaque instant, celle-ci est quelque chose qui vient d'un passé, c'est-à-dire d'une autre vie sociale révolue et se dirige vers une vie sociale future. Le simple fait, pour tout aujourd'hui social de se trouver structuré par l'articulation de trois générations révèle que la vie sociale présente n'est qu'une section d'un tout vital des plus amples aux limites indéfinies vers le passé et l'avenir, et qui s'enfonce et se perd dans ces deux directions. C'est là, sensu stricto, la vie ou la réalité historique".

Ma vie et la vie historique sont ainsi les deux pôles de toute action et de toute pensée. Et d'emblée leur différence fondamentale apparaît : tandis qu'il est essentiel à la vie individuelle d'être circonscrite par la naissance et la mort, la vie historique, en revanche, ignore toute conclusion ultime et ses mouvements ne sont pas orientés par l'anticipation d'un terme fatidique. Il convient donc de déterminer à présent comment cet horizon indépassable et indéfini peut être objet de science.

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