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Ortega y Gasset philosophe de l’Histoire

par Charles Cascalès, agrégé de philosophie,
auteur de ‘L’humanisme d’Ortega y Gasset’, PUF,1957

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I- La philosophie d'Ortega y Gasset (suite)

  • B) La théorie de la vie

a) Déconstruction de l'ontologie. C'est dans un texte de 1929, Filosofia pura, qu'Ortega aborde explicitement la question ontologique pour en souligner l'équivocité foncière. D'un côté, la question : " Qu'est-ce que l'être ?" invite à chercher l'identité de l'être, elle demande à quel genre d'objets correspond un tel prédicat. Et de Thalès à Kant, les réponses se succèdent. Parmi elles, l'idéalisme revient à soutenir que la pensée est l'étant, est la "chose" à laquelle appartient authentiquement le prédicat "être " . Mais, d'un autre côté, la question de l'être consiste à se demander ce qu'est être, quel que soit l'être dont on dit qu'il est. Cette seconde interrogation a toujours été oblitérée par les réponses faites à la première : l'être (quel qu'il soit) est toujours sous-entendu comme chose, réalité, en-soi. La question de l'être, dans son second sens a donc toujours été implicitement résolue dans toute l'histoire de la philosophie d'une seule et même façon. Du moins jusqu'à Kant : mais ce que l'on a méconnu chez Kant, c'est qu'il répond d'une autre façon. En effet, l'ambiguïté de la question ontologique se répercute au niveau de la réponse qu'on y apporte. Kant dit bien que l'être est pensée, mais il récuse la dénomination d'idéalisme, comme chacun sait. L'être des choses est ce que nous y mettons : "Ies conditions de possibilité de l'expérience sont les mêmes que les conditions de la possibilité des objets de l'expérience. " L'être est ce qui survient aux choses quand un sujet pensant entre en relation avec elles. "C'est le sujet qui pose l'être dans l'univers ; sans sujet, il n'y a pas d'être", écrit Ortega. Sans sujet pensant, il n'y a pas plus d'être des choses que d'égalité entre elles, par exemple. " L'être ou le non-être des choses jaillit de leur choc avec l'activité théorétique en général . "

Kant effectue donc un saut : l'être de l'étant n'est plus défini comme en-soi ; l'être est conçu comme pour-autrui "l'être est un pour-autrui, et avant tout un pour-moi". Et Ortega poursuit :
"Ainsi chez Kant, pour la première fois -à l'exception des Sophistes- il apparaît impossible de parler de l'être sans chercher auparavant ce qu'il en est du sujet connaissant, puisque ce dernier intervient dans la constitution de l'être des "choses", puisque les " choses " sont ou ne sont pas en fonction de lui "

b) Le concept de réalité radicale. La conception ortéguienne de la réalité ne doit donc pas être dénommée une ontologie, mais une théorie de la vie faisant apparaître la vie comme réalité radicale et en entendant par "vie humaine" la vie de chacun, ma vie. Dès 1914, Ortega écrit "Je suis moi et ma circonstance", et il commente cette formule en disant "La réalité radicale est notre vie. Et la vie est ce que nous faisons et ce qui nous arrive. Vivre, c'est être en rapport avec le monde, se tourner vers lui, agir sur lui, s'occuper de lui " Mais il faut préciser qu'en dénommant la vie de chacun "réalité radicale", Ortega ne veut pas dire qu'elle soit l'unique réalité ni même la plus haute, mais simplement qu'elle est la racine de toutes les autres, en ce sens que celles-ci quelles qu'elles soient, doivent pour nous apparaître comme réalités se présenter ou s'annoncer dans les limites de notre vie.

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