Plus nous avançons dans l'ordre du vivant, avec l'espèce
humaine, plus cette hypothèse de complexité devient incontournable.
Les processus vivants ne sont plus seulement biologiques,
physiologiques, chimiques ou physiques, mais aussi bien, et tout à la
fois, psychologiques, psycho- sociaux, sociaux. On pourra qualifier
cet ensemble de bio-éco-socio-anthropologique.
Vivre c'est ressentir
et ce vécu permettra des élaborations secondes. On parlera alors de
« sensibilité », celle- ci s'avérant de surcroît éducable.
L'émotion, le sentiment, la vie affective y tiennent, aux côtés de
la rationalité, une part relativement importante. La conscience et le
vécu les affectent, déjà riches des influences reçues d'autrui,
des altérations. L'intentionnalité (qui peut très bien ne pas
coïncider avec la conscience) et par conséquent le sens des
conduites et des comportements deviennent objets d'attention et de
réflexion critiques.
La
relation à autrui s'avère partout primordiale, y compris quand il
s'agit du développement de la personne, du « sujet ». Ce dernier,
au regard d'une optique psychanalytique, devra, à travers le jeu
complexe des relations intra - personnelles et inter -
personnelles, non
seulement réaliser, assumer, accepter (en le combattant au besoin) l'autre
en tant qu'autre, mais aussi découvrir et reconnaître l'autre,
l'étranger, intérieur à lui même, celui vis-à-vis duquel il n'a
pas nécessairement la capacité de contrôle ou de maîtrise:
l'inconscient. Le deuil de cette impossible maîtrise sera peut-être
la condition d'une moindre dépendance aux mécanismes cathartiques de
«projection» par lesquels chacun attribue à l'autre, pour pouvoir
le détruire plus commodément ainsi, ce qu'il ne peut ni ne veut
reconnaître comme proprement sien. Indépendamment de la domination
cynique, d'intention plus économique et plus stratégique, le racisme
ordinaire y puise aussi des ressources non négligeables (mais,
remarquons le, le fantasme de pureté originelle, souvent associé à
l'idée de supériorité, tient ici encore son rôle de «fausse
conscience»).
C'est
finalement ce «vécu», ressenti (le ressentiment n'étant qu'une de
ses formes), éprouvé, qui va rythmer, scander, ponctuer l'existence
en lui donnant des tonalités particulières et singulières,
qualitatives, jusqu'à l'unité concrète d'une identité, elle-même
fruit de multiples altérations et toujours en devenir. Les
manifestations personnelles, groupales ou collectives de négatricité
(capacité de vouloir et pouvoir déjouer par ses propres contre-
stratégies les stratégies dont on s'est senti devenir objet de la
part d'autrui) ne joueront pas dans une telle aventure un rôle négligeable.
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