L'extension des termes« vie» et« vivant» peut aussi
bien comprendre l'immensité d'une planète dite habitée, avec sa géologie,
sa géographie, son écologie, son atmosphère, ses climats, sa faune,
sa flore, ses cultures et ses civilisations, leur histoire, ou
l'animation, au besoin artificielle, d'un paysage ou d'une fête, que,
de façon de plus en plus restrictive, le règne animal et ses différentes
espèces, les sociétés humaines, les institutions, les
organisations, les groupes, les individus, les personnes, les «sujets» humains et sociaux.
Dans le domaine des connaissances
scientifiques, ce sont donc tout autant les sciences de la terre, les
disciplines astronomique, géographique, physique, chimique, que les
savoirs biologique, psychologique, sociologique, psychosocial,
ethnologique, anthropologique, juridique, historique, économique,
politique, philosophique, logique, mathématique, qui se retrouveront
mis à contribution, et bien d'autres encore. Indépendamment de leurs
spécificités grammaticales (substantif, adjectif, verbe ou forme
verbale), il y a des nuances sémantiques à entrevoir entre
vie et vivant. La vie est plus uni- taire, et partant plus
universelle; le, les vivantes) sont plus facilement entendus en tant
que pluriels, multiples, divers. Même« le vivant », au sens générique
et abstrait (l'ordre du vivant, la logique du vivant), est plus
incarné, plus « imp1iqué », plus « affecté» que la vie (en
laissant de côté évidemment tous les sens métaphoriques attachés
à ce der- nier terme). Il y a, à ce niveau, notons le bien, une
première difficulté pour notre entendement, supposant pour une
meilleure compréhension une forme d'intel1igence plus dialectique que
nos habituelles logiques disjonctives. La vie est un concept universel
et, nous le verrons plus loin, c'est justement ce qui en fait une
valeur, mais le vivant, les vivants, chaque vivant, se caractérisent
tout autant par leurs particularités et singularités respectives.
C'est bien l'unitas multiplex pascalienne et morinienne qui se
trouve, alors, en question.
Stricto
sensu, le vivant animal, voire végétal, nous semble se caractériser
par sa sensibilité et sa réactivité propres, phylogénétiques et
ontogénétiques, par ses comportements et ses conduites
d'assimilation et d'adaptation permettant déjà un apprentissage réflexe
(auto-programmé ou hétéro- guidé) ou un «dressage », un
conditionnement, par ses capacités interactives d'évolution et par
ses possibilités de mutation, par son viei11issement et par sa mort,
variables en fonction des conditions internes et externes
(environnementales) de survie, et, finalement, en tant qu'organisme
bio- dégradable. Nous sommes déjà, ainsi, dans l'ordre de ce que
les courants systémiques et plus particulièrement Edgar Morin ont
voulu définir par le terme de complexité (ou complexification, à
distinguer soigneusement de la «complication» (3), cartésienne ou
positiviste, plus ingénieriale). Mais cette notion de complexité
prendra une importance encore plus grande quand il s'agira du vivant
humain socialisé. Tous les caractères précédents s'y
retrouveront, évidemment conjugués, tramés, tissés ensemble; mais,
à côté des formes plus holistiques, plus hologrammatiques, plus
dialogiques, désormais classiques, de représentations des processus
vivants, viendront s'adjoindre les incidences maturantes d'une
temporalité- historicité- durée enracinée dans une mémoire
(débordant largement les limites de l'engrammation) et enrichissant l'appropriation
des acquis de l'expérience, les jeux spécifiques des désirs,
pulsions et répulsions, la négatricité (4), les stratégies, les
complicités (5), les altérations (6) élaborées à la faveur des
relations avec autrui. Il conviendrait, dès lors, de distinguer
soigneusement, en leur sein, entre des processus (naturels ou
biologiques, élaborés, toujours inscrits dans une
temporalité-durée vécue), des procès (au sens plus logique
et dialectique du terme, rationnels et hors le temps-durée) et des procédures
(également rationnelles, plus juridiques et plus techniques,
administratives ou ingénieriales, construites, choisies,
délibérées, calculées, et, en ce sens, plus artificielles).
Vers
la page suivante: quelques
traits parce que jugés essentiels, parce qu'intéressant la
problématique éducative.
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