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Les
sept catégories de la subjectivation temps de la question
«Je suis ce que je sais de ce que je suis», ou ce que je connais,
j'apprends, je me représente ce qu'est« être sujet». Deux
directions au savoir sur la subjectivité, l'une sur les causes (étiologie),
, l'autre sur les signes et les rites sociaux qu'ils structurent
(sémiologie). Ce savoir peut être de nature épistémique,
reçu scientifiquement dans un temps et un espace donnés ou
doxologique, accepté socialement mais sans légitimité académique: traditions populaires (21), représentations sociales (22), ou
encore un mélange des deux comme dans les concepts d' habitus mental
et d'hexis corporel (23). Les savoirs doxologiques s'avèrent
souvent d'anciens savoirs savants devenus obsolètes mais possédant
toujours une fonction idéologique et profondément appropriés par
la pensée et la pratique sociales. De nombreuses philosophies ont
travaillé ce vecteur de subjectivation afin de déterminer le
sujet du savoir qu'il construit. Phénoménologie, philosophies du
langage, analytique ou herméneutique, philosophies des sciences en
général, psychanalyse, dans un autre registre. Par rapport aux deux précédents facteurs (Pathos, Kratos) ce troisième
acteur offre une rupture dans la phénoménalisation du sujet (et d'alter),
il prend en considération dans le processus même de la subjectivation «la mondanéisation de l'expérience de l'homme
contemporain» (24), définie comme ce « par quoi je m'identifie à
l'une des choses de la nature, à savoir un corps physique» (25).
Ce processus de mondanéisation phénoménalise le sujet en tant
qu'objet de savoir identique aux savoirs constitués sur n'importe
quel autre type d'objet ou d'étant, il se déploie dans ce que
Michel Henry nomme l'Ek-stase du monde, qui est médiateté, écart,
transcendance par rapport à la phénoménalisation immédiate de la
vie qui est pathos, auto-affection de soi par soi, mais
aussi d'une certaine manière kratos (26). La dimension
symbolique de tout savoir, au sens sémiotique du terme, renforce le
caractère mondanéiste de l'objet du savoir fondé sur la dualité
des signes et de leurs référents, la noèse et ses corrélats noématiques,
les textes et récits et leurs interprétations.
L'homme dans le
monde est un herméneute (27), un interpréteur du monde qui se
donne dans un ensemble de signes à découvrir et à interpréter.
De même le sujet se donne à lire lui-même et aux autres en tant
que signe, une matière porteuse de différences culturellement
significatives (28).
(20)
Michel Foucault, L'HerméneÙtique du sujet. Cours du collège de
France. 1981-1982, op. cit.
(21) Françoise Loux et Philippe Richard, Sagesse du corps. La
santé et la maladie dans les proverbes français, Paris,
Maisonneuve et Larose, 1978.
(22) Denise lode1et (sous la direction de), Les Représentations
sociales, op. cit.
(23) Pierre Bourdieu, Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980.
(24) Edmund Husserl, Méditations cartésiennes, Paris, Vrin,
1992.
(25) Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil,
1990, p. 384.
(26) Michel Henry, Incarnation Une philosophie de la chair, op.
cit.
(27) Paul Ricœur, À l'école de la phénoménologie, Paris,
Vrin, 1986; Essais d'herméneutique. Volume 1: Le conflit
des interpréta- tions, Paris, Seuil, 1969; volume II: Du
texte à l'action, Paris, Seuil, 1986.
(28) Pierre Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de
l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 24.
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