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C'est à quel sujet ? 

Un référentiel des catégories de la subjectivation 

par Philippe Oliviero - Université René Descartes - Paris V

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- Les sept catégories de la subjectivation temps de la question 

  • Kratos  

"L'acte volontaire, le patrimoine de l'humanité". Charles Blondel  (19).

«Je contrôle, je maîtrise, je veux, donc je suis». Ce second facteur/vecteur de subjectivation concerne l'action, l'effort, le contrôle, la maîtrise que le sujet est susceptible d'exercer sur le monde et lui-même. À la passivité radicale de la chair s'éprouvant elle-même (premier facteur), et se manifestant par les différents mouvements réactifs, automatiques, du vivant succède la subjecti­vation par l'action intentionnelle, la conation, l'effort motivé, dirigé, orienté, l'action seconde qui succède et se construit à partir de la réaction première du pathos. Sur ce facteur/vecteur, la sub­jectivité est imputée lorsque se manifeste l'acte, l'exercice d'une intention, d'une volonté de puissance et d' action, du sujet lui-même à propos de lui-même (j'existe en tant que se manifeste en moi une volonté, une puissance de vivre) et d'autrui (un sujet impute une subjectivité à une entité qui manifeste une intentionnalité, une volonté, une puis­sance de vivre orientée et dirigée). 

Force, puissance, direction, volonté, activité sont associées au pôle symbolique masculin. Une fois donné le pathos au vivant, le lieu de l'apparaître du plaisir et de la souffrance, la recherche intentionnelle, dirigée, du plaisir (l'attirance, le désir) et l'évitement de la souffrance (la répulsion, le rejet) définissent les deux mouvements essentiels du sujet. Les usages des plaisirs et déplaisirs, et de tous les degrés de leur intensité sur tous les registres expérientiels bipolaires pathiques, seront autant de pratiques de subjectivation pathique, à partir d'une position de maîtrise, dans lesquelles les découvertes, appren­tissages, gymnastiques et expériences du soi et de ses limites se font en s'éprouvant soi-même, le monde et autrui. La conscience morale est l'expres­sion de la loi, de la transcendance du jugement éthique qui révèle la liberté, la directivité et la signification de l'action subjective, l'autonomie avec la disponibilité d'orientation du sujet vis à vis de l'ordre immanent du monde réactif du pathos qui s'impose comme celui du donné de la chair.

Les philosophies de la liberté travaillent ce facteur/vecteur, le stoïcisme ou l'épicurisme d'abord, chacun à leur manière, bien plus tard les philosophies existentialistes. La liberté du sujet vivant est revendiquée comme un absolu, une transcendance face à la facticité et l'immanence du monde. 
La philosophie allemande de Kant, Hegel ou Marx travaille cette fibre constructiviste de l'intentionnalité, de la directivité, de la volonté, de la sub­jectivité par rapport au monde et à la personne elle-même, Schopenhauer établissant dans la Volonté la caractérisation même du monde de la vie, la Représentation (Logos, troisième facteur) apparaissant comme une expression seconde. Maine de Biran construit sur l'acte, l'effort et la volonté l'expérience du soi et de sa liberté dans sa confrontation à l'inertie du monde. Au XXè siècle, l'existentialisme sartrien ancre la subjectivité même dans l'affirmation de la pure liberté de l'existence transcendante qui libère de l'imma­nence du réel, et plus récemment un philosophe militant comme Michel Foucault cherche à fon­der la liberté sur la gouvernementalité de la personne, et non plus sur la seule réactivité face aux oppressions des pouvoirs (20).

 

(19) Charles Blondel, Traité de psychologie, Paris, Al can, tome 2. 1924, p. 546.
(20) Michel Foucault, L'Herméneutique du sujet, Cours du collège de France (1981-1982. op. cit

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