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Les
sept catégories de la subjectivation temps de la question
"L'acte
volontaire, le patrimoine de l'humanité".
Charles Blondel (19).
«Je contrôle, je maîtrise, je veux, donc je suis». Ce second
facteur/vecteur de subjectivation concerne l'action, l'effort, le
contrôle, la maîtrise que le sujet est susceptible d'exercer sur
le monde et lui-même. À la passivité radicale de la chair s'éprouvant
elle-même (premier facteur), et se manifestant par les différents
mouvements réactifs, automatiques, du vivant succède la subjectivation
par l'action intentionnelle, la conation, l'effort motivé, dirigé,
orienté, l'action seconde qui succède et se construit à partir de
la réaction première du pathos. Sur ce facteur/vecteur, la subjectivité
est imputée lorsque se manifeste l'acte, l'exercice d'une
intention, d'une volonté de puissance et d' action, du sujet lui-même
à propos de lui-même (j'existe en tant que se manifeste en moi
une volonté, une puissance de vivre) et d'autrui (un sujet impute
une subjectivité à une entité qui manifeste une intentionnalité,
une volonté, une puissance de vivre orientée et dirigée).
Force, puissance, direction, volonté, activité sont associées au
pôle symbolique masculin. Une fois donné le pathos au vivant, le
lieu de l'apparaître du plaisir et de la souffrance, la recherche
intentionnelle, dirigée, du plaisir (l'attirance, le désir) et l'évitement
de la souffrance (la répulsion, le rejet) définissent les
deux
mouvements essentiels du sujet. Les usages des plaisirs et déplaisirs,
et de tous les degrés de leur intensité sur tous les registres expérientiels
bipolaires pathiques, seront autant de pratiques de subjectivation
pathique, à partir d'une position de maîtrise, dans lesquelles les
découvertes, apprentissages, gymnastiques et expériences du soi
et de ses limites se font en s'éprouvant soi-même, le monde et
autrui. La conscience morale est l'expression de la loi, de la
transcendance du jugement éthique qui révèle la liberté, la
directivité et la signification de l'action subjective, l'autonomie
avec la disponibilité d'orientation du sujet vis à vis de l'ordre
immanent du monde réactif du pathos qui s'impose comme celui du
donné de la chair.
Les
philosophies de la liberté travaillent ce facteur/vecteur, le stoïcisme
ou l'épicurisme d'abord, chacun à leur manière, bien plus tard
les philosophies existentialistes. La liberté du sujet vivant est
revendiquée comme un absolu, une transcendance face à la facticité
et l'immanence du monde.
La philosophie allemande de Kant, Hegel ou
Marx travaille cette fibre constructiviste de l'intentionnalité,
de la directivité, de la volonté, de la subjectivité par
rapport au monde et à la personne elle-même, Schopenhauer établissant
dans la Volonté la caractérisation même du monde de la vie, la
Représentation (Logos, troisième facteur) apparaissant comme une
expression seconde. Maine de Biran construit sur l'acte, l'effort et
la volonté l'expérience du soi et de sa liberté dans sa
confrontation à l'inertie du monde. Au XXè siècle,
l'existentialisme sartrien ancre la subjectivité même dans
l'affirmation de la pure liberté de l'existence transcendante qui
libère de l'immanence du réel, et plus récemment un philosophe
militant comme Michel Foucault cherche à fonder la liberté sur
la gouvernementalité de la personne, et non plus sur la seule réactivité
face aux oppressions des pouvoirs (20).
(19)
Charles Blondel, Traité de psychologie, Paris, Al can, tome 2.
1924, p. 546.
(20) Michel Foucault, L'Herméneutique du sujet, Cours du collège
de France (1981-1982. op. cit
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