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C'est à quel sujet ? 

Un référentiel des catégories de la subjectivation 

par Philippe Oliviero - Université René Descartes - Paris V

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Les sept catégories de la subjectivation temps de la question 

  • Pathos (14)

«Je sens, donc je suis». L'auto-affection consti­tue la phénoménalité essentielle et première du vivant, de la chair (15). Je suis ce que j'éprouve. Le sujet se manifeste à lui-même et s'expérimente en tant qu'effet immédiat de l'auto-affectivité du vivant, du contact de soi à soi jailli de l'éprouvé des polarités perceptuelle (plaisir/douleur), éthique (bien/mal), esthétique (beau/laid) et hygiénique (propre/sale), et de toutes les autres dimensions évaluatives oppositives, sources de variations et de différenciations (chaud/froid, vie/mort, etc.), dans l'expérience de l'éprouvé charnel de soi, d'autrui et du monde. La vie subjective s'y manifeste comme une passivité radicale, un éprouvé immédiat essen­tiel des perceptions, des émotions issues de toutes les modalités sensorielles de l'espace-temps du corps propre immergé dans l'écologie de ses envi­ronnements singuliers (toucher, vision, odorat, goût, ouïe, proprioception). Passivité, donation, éprouvé de l'auto-affection, émotion, le facteur est   associé au pôle récepteur, féminin, de l'existence. Il dessine une présence de soi à soi dans le présent du ressenti, une ipséité monadologique dans laquelle l'éprouvé subjectif d'ego est incommunicable à alter en tant qu'éprouvé subjectif, auto­affection de soi par soi et par le monde du soi.

La recherche du plaisir (l'attirance, le désir) ci l'évitement de la souffrance (la répulsion, le rejet) définissent les deux mouvements essentiels du sujet vivant sur ce facteur, la recherche de la disparition de ce facteur de subjectivation passant par la minimisation des oscillations des épreuves sur les dualités constitutives des sensations, puis leur suspension ou leur cessation définitive. Les deux attitudes sont l'ascèse, qui vise le retrait du sujet du mouvement pendulaire du plaisir et de la souffrance, ou l'acceptation joyeuse, nietzschéenne, du don de la vie jusque dans ses extrémités (16). 

Les techniques d'ascèse, qui prônent le retrait des sens, la pacification et l'ajustement réglé des appétits, aboutissent peu ou prou à l'apathie, à l'ataraxie stoïcienne (pour rester dans la sphère occiden­tale) et apparaissent comme autant de techniques d'existence produisant un désengagement du sujet de l'épreuve même de la vie qu'est l'auto­affection. Les philosophies de la patience, de la donation (17) et de l'incarnation (18) construisent une subjectivité fondée sur l'acceptation de l'éprouvé de la vie telle qu'elle est donnée dans sa transcendance (divine) pour le premier, et dans son immanence autant nietzschéenne que chrétienne pour le second. Les philosophies de l'hédonisme recherchent l'évitement de la polarité négative et l'accomplissement de la polarité positive, alors que les philosophies doloristes trouvent dans la souffrance même du vivant sa rédemption morale.

(14) La dénomination grecque des facteurs souligne leur fonction de catégorie conceptuelle. (15) Michel Henry. Incarnation. Une philosophie de la chair, Paris. Seuil, 2000. 
(16) Bernard Edelman, Nietsche. Un continent perdu, Paris, PUF, 1999. 
(17) Jean-Luc Marion, Réduction et donation. Recherches sur Husserl. Heidegger et la phénoménologie, Paris. PUF, 1989. 
(18) Michel Henry. Incarnation. Une philosophie de la chair, op, cit.

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