-

Les sept catégories de la subjectivation temps de la question 

•  Arithmos

"Ne sens-tu pets à mes poèmes que je suis deux en un?" Goethe

Quel nombre à la subjectivité? Spontanément, l'unité, voire l'unicité (cf. sémiologie différentielle) viennent à l'esprit. Puis surgissent les situa­tions limites, la rupture du principe de connexité formelle, de l'insularité perceptive, questionne l'adéquation d'un corps à une subjectivité, et d'une subjectivité à l'unité et à l'unicité.

Le clonage: les techniques de biologie de la reproduction issues de la zootechnie ont permis la création artificielle de jumeaux biologiques humains, les clones. En embryologie, les cellules embryonnaires sont dites totipotentes (jusqu'au quatorzième jour de leur développement) car elles peuvent, une fois séparées les unes des autres, donner potentiellement naissance à autant d'indi­vidus qu'il y a de cellules (clonage reproductif). De même, les techniques biomédicales de la repro­duction permettraient la réplication à l'infini de n'importe quel autre individu biologique (évoqué à propos du « clonage thérapeutique », c'est-à-dire de la constitution d'organes, de cellules et de tis­sus de réserve pour soigner une personne malade).

De combien de subjectivités un embryon constitué de cellules totipotentes est-il le lieu? (54). De combien de subjectivités un être biologique quelconque est-il le lieu si l'on peut créer à partir de ses cellules autant d'individus potentiels que l'on souhaite? À l'inverse, l'embryologie peut créer des chimères: à partir de deux cellules reproductrices de deux espèces différentes elle peut créer un seul individu. Imaginons une chimère Homo sapiens sapiens avec quelque grand singe. De quelle subjectivité sera-t-elle le lieu?

En psychiatrie, le «trouble dissociatif de l'identité», trouble discuté, qui est défini par «la présence de deux ou plusieurs identités ou "états de la personnalité" distincts qui prennent tour à tour le "contrôle du comportement" (55), pose la question du nombre des subjectivités présentes simultanément dans un seul corps. En psychologie, les changements de personnalités, d'objectifs de vie, de situations familiales, sociales ou professionnelles, voire maritales, le transsexualisme, etc., peuvent modifier en profondeur la perception de l'unité, de l'unicité de la subjectivité.

En métaphysique, on observe des architectoniques polypsychistes de la subjectivité, plusieurs âmes ou esprits dans un même corps, simultanément ou chronologiquement, et polysomatistes, plusieurs corps pour une seule personne, simultanément ou chronologiquement, comme dans les théories réincarnationistes. Il faut ajouter certaines interprétations des topiques psychologiques, celles de Sigmund Freud sont les plus connues («conscient, préconscient, inconscient», «Moi, Ça, Surmoi»), qui questionnent l'autonomie d'action du sujet et l'imputation de responsabilité des actes, en droit pénal ou en droit des assurances (santé, responsabilité civile, etc.), à ces instanciations du sujet.

La subjectivité probabiliste: en embryologie. la probabilité du développement d'une subjectivité potentiellement présente dans un embryon varie en fonction du taux d'avortement spontané des embryons fécondés, qui fluctue., selon les auteurs, de 20 à 50% , (56). Le processus d'imputation de l'existence d'une subjectivité sera-t-il identique pour une personne informée et pour une personne non informée de cette probabilité de survie ?

(54) Philippe Oliviéro, « La notion de pré-embryon» in François Gros et Gérard Hubert (sous la direction de), Vers un anti-destin ? Patrimoine génétique et droits (le l'humanité, op. cit.
(55) Americain Psychiatric Association, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, op. cit., p. 567.
(56) Philippe Oliviéro, « La notion de pré-embryon» in François Gros et Gérard Hubert (sous la direction de), Vers un anti-destin ? Patrimoine génétique et droits (le l'humanité, op. cit.