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Les
sept catégories de la subjectivation temps de la question
Scientifiques
ou doxologiques (ces catégories de savoir ne sont étanches ni dans
l'histoire des sciences ni dans celle des mentalités), de nombreux
savoirs sémiologiques ont cherché à objectiver la subjectivité,
à définir une subjectivation informationnelle, notre propre
tentative en est une nouvelle démonstration. Les critères de
reconnaissance des individus, traditionnellement associés à ce qui
fait événement, aux traits marginaux de différenciations
physiques de l'individu par rapport au groupe (l'effet de saillance
d'une figure sur un fond de la Gestaltpsychologie), et plus généralement
pour Homo sapiens sapiens à l'apprentissage social de la différenciation
des visages et au décryptage de ses expressions faciales dans la
communication non verbale (études initiées par Charles Darwin), se
sont diversifiés à partir du XIX, siècle avec l'émergence des
sociétés bureaucratiques et des empires coloniaux qui cherchaient
à identifier les colonisés. Aux diverses mancies traditionnelles
(astrologie, chiromancie, etc.), basées sur le principe de la
variabilité des configurations formelles, base de leur puissance de
différenciation individuelle (planètes et étoiles, lignes de la
main, marc de café, etc.), à la sémiotique médicale déjà
ancienne (Hippocrate. Galien et autres), se sont adjointes des
disciplines nouvelles comme la physiognomonie, la graphologie,
l'anthroponymie (prénoms, noms de famille, clans, surnoms, Pseudonymes),
les définitions de particularismes comme les tatouages, cicatrices,
handicaps physiques ou mentaux perceptibles, mais encore la
criminologie avec la dactyloscopie, l' anthropométrie et la photographie
judiciaire. Aujourd'hui, les biotechnologies ont créé de nouveaux
indices de subjectivation de nature nouménobiologigue (40) échappant
à l'appréhension molaire, naturelle, à partir de technologies
de détection et de décryptage de différences moléculaires ou
visuelles après effets de grossissement (empreintes sanguines,
vocales, rétiniennes, faciales, chirales, génétiques, et imageries
médicales comme l'échographie ou la résonance magnétique). Les
indices sont aussi psychologiques, comme la détermination des personnalités
pour le recrutement professionnel ou la recherche de criminels (cf.
les profileurs de personnalité en criminologie). L'utilisation
sociale du quotient intellectuel (QI) s'avère de nature indiciaire
en différenciant, en vue de certaines utilités sociales, les
individus d'après leur intelligence.
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La sémiologie social-historique a été remarquablement
étudiée en sociologie par Pierre Bourdieu: tout objet ou personne
peut devenir le support d'un processus de subjectivation et partie
constitutive de la subjectivité objectale. Les biens symboliques
que catégorisent les trois capitaux que sont l'argent, la culture
et les relations sociales
sont
des supports privilégiés de subjectivation, dans des relations
d'appropriation et d'identification. Posséder tel objet symbolique
(terre, maison, bijoux, vêtements, objets d'art, de collection),
telle somme d'argent tel pouvoir, être marié à telle personne,
etc., sont des indices sociaux de subjectivation dont la valeur
peut être appréciée en fonction de leur pouvoir de distinction,
de rareté, sur les différents marchés des biens symboliques (économique,
familial, sentimental, biologique, etc.). De même, les représentations
sociales des « soi symboliques », épistémiques comme dans les
psychologies de la personnalité, ou doxologiques comme les profils
de personnalité en astrologie, fonctionnent comme des supports de
subjectivation indiciaire, chacun des profils de personnalités étant
en partie choisi (ou suscité) par les sujets en fonction des
contextes sociaux de leurs déploiements (relations sociales au
travail, en famille, dans les relations amoureuses, etc.). La sémiologie
des conduites non-verbales repose en partie sur le pouvoir de la
chair de ressentir et d'exprimer l'émotion (cf. Pathos), de
communiquer son autoaffection par des altérations sensibles
(visuelle, olfactive, auditive, tactile et gustative), qui ne font
message qu'interprétées dans le champ de leur valeur symbolique et
sociale. La chair est le lieu de l'expression intersubjective des
sentiments sociaux ressentis dans la situation sociale immédiate
(pudeur, peur, séduction, colère, etc.), révélant soit une
expression du rapport de pouvoir hiérarchique entre les sujets,
soit une qualité de relation affective, qui, de l'empathie à
l'antipathie en passant par la sympathie, témoigne de la qualité
de la relation qu'un sujet vivant entretient à l'égard d'un
autre sujet vivant (41).
La subjectivation est un effet de l'intersubjectivité, et
les conduites sociales signifient, par apprentissage de leurs
pratiques, le sujet qui performe leurs indices.
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(38)
Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire,
Paris, Flammarion, 1988, pp. 139-180.
(39) Claude Shannon et Warren Wearer, Théorie mathématique de la
communication, Paris, Retz, 1975
(40) François Dagognet, Le Vivant, Paris. Bordas, 1988.
(41) Max Scheler. Native et formes (De la sympathie. Contribution à
l'étude des lois de la vie affective. Paris. Payot. 1971.
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