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C'est à quel sujet ? 

Un référentiel des catégories de la subjectivation 

par Philippe Oliviero - Université René Descartes - Paris V

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- Les sept catégories de la subjectivation temps de la question 

  •  Logos II. Sémiologie - Catégories de savoir ...

Scientifiques ou doxologiques (ces catégories de savoir ne sont étanches ni dans l'histoire des sciences ni dans celle des mentalités), de nombreux savoirs sémiologiques ont cherché à objectiver la subjectivité, à définir une subjectivation informationnelle, notre propre tentative en est une nouvelle démonstration. Les critères de reconnaissance des individus, traditionnellement associés à ce qui fait événement, aux traits marginaux de différencia­tions physiques de l'individu par rapport au groupe (l'effet de saillance d'une figure sur un fond de la Gestaltpsychologie), et plus généralement pour Homo sapiens sapiens à l'apprentissage social de la différenciation des visages et au décryptage de ses expressions faciales dans la communication non verbale (études initiées par Charles Darwin), se sont diversifiés à partir du XIX, siècle avec l'émergence des sociétés bureaucratiques et des empires coloniaux qui cherchaient à identifier les colonisés. Aux diverses mancies traditionnelles (astrologie, chiromancie, etc.), basées sur le principe de la variabilité des configurations formelles, base de leur puissance de différenciation indivi­duelle (planètes et étoiles, lignes de la main, marc de café, etc.), à la sémiotique médicale déjà ancienne (Hippocrate. Galien et autres), se sont adjointes des disciplines nouvelles comme la physiognomonie, la graphologie, l'anthroponymie (prénoms, noms de famille, clans, surnoms, Pseudonymes), les définitions de particularismes comme les tatouages, cicatrices, handicaps physiques ou mentaux perceptibles, mais encore la criminologie avec la dactyloscopie, l' anthropométrie et la pho­tographie judiciaire. Aujourd'hui, les biotechnologies ont créé de nouveaux indices de subjectivation de nature nouménobiologigue (40) échappant à l'appréhension molaire, naturelle, à partir de tech­nologies de détection et de décryptage de diffé­rences moléculaires ou visuelles après effets de grossissement (empreintes sanguines, vocales, rétiniennes, faciales, chirales, génétiques, et ima­geries médicales comme l'échographie ou la résonance magnétique). Les indices sont aussi psychologiques, comme la détermination des per­sonnalités pour le recrutement professionnel ou la recherche de criminels (cf. les profileurs de per­sonnalité en criminologie). L'utilisation sociale du quotient intellectuel (QI) s'avère de nature indiciaire en différenciant, en vue de certaines utilités sociales, les individus d'après leur intelligence.

- La sémiologie social-historique a été remarquablement étudiée en sociologie par Pierre Bourdieu: tout objet ou personne peut devenir le support d'un processus de subjectivation et partie constitutive de la subjectivité objectale. Les biens symboliques que catégorisent les trois capitaux que sont l'argent, la culture et les relations sociales sont des supports privilégiés de subjectivation, dans des relations d'appropriation et d'identification. Posséder tel objet symbolique (terre, maison, bijoux, vêtements, objets d'art, de collection), telle somme d'argent tel pouvoir, être marié à telle personne, etc., sont des indices sociaux de subjecti­vation dont la valeur peut être appréciée en fonc­tion de leur pouvoir de distinction, de rareté, sur les différents marchés des biens symboliques (éco­nomique, familial, sentimental, biologique, etc.). De même, les représentations sociales des « soi symboliques », épistémiques comme dans les psychologies de la personnalité, ou doxologiques comme les profils de personnalité en astrologie, fonctionnent comme des supports de subjectiva­tion indiciaire, chacun des profils de personnalités étant en partie choisi (ou suscité) par les sujets en fonction des contextes sociaux de leurs déploie­ments (relations sociales au travail, en famille, dans les relations amoureuses, etc.). La sémiolo­gie des conduites non-verbales repose en partie sur le pouvoir de la chair de ressentir et d'exprimer l'émotion (cf. Pathos), de communiquer son auto­affection par des altérations sensibles (visuelle, olfactive, auditive, tactile et gustative), qui ne font message qu'interprétées dans le champ de leur valeur symbolique et sociale. La chair est le lieu de l'expression intersubjective des sentiments sociaux ressentis dans la situation sociale immédiate (pudeur, peur, séduction, colère, etc.), révélant soit une expression du rapport de pouvoir hiérarchique entre les sujets, soit une qualité de relation affective, qui, de l'empathie à l'antipathie en passant par la sympathie, témoigne de la qualité de la rela­tion qu'un sujet vivant entretient à l'égard d'un autre sujet vivant (41).
La subjectivation est un effet de l'intersubjectivité, et les conduites sociales signifient, par apprentissage de leurs pratiques, le sujet qui performe leurs indices. ...  

(38) Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1988, pp. 139-180. 
(39) Claude Shannon et Warren Wearer, Théorie mathématique de la communication, Paris, Retz, 1975
(40) François Dagognet, Le Vivant, Paris. Bordas, 1988.
(41) Max Scheler. Native et formes (De la sympathie. Contribution à l'étude des lois de la vie affective. Paris. Payot. 1971.
 

   

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