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C'est à quel sujet ? 

Un référentiel des catégories de la subjectivation 

par Philippe Oliviero - Université René Descartes - Paris V

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- Les sept catégories de la subjectivation temps de la question 

  •  Logos II. Sémiologie

"Dans son coeur de bébé, ou même de fœtus, il était peut-être venu dans notre monde en faisant des efforts déchirants pour ne ressembler à personne. Et peut-être même n'avait-il renoncé à notre monde en décidant de mourir avant que son visage ne commence à ressembler à celui d'un autre." Yasunari Kawabata (33).

Le second type de savoir sur la subjectivité est de nature sémiologique: il s'agit d'identifier des signes dont la valeur s'apparente à celle du signe linguistique défini par Ferdinand de Saussure de manière oppositive, négative et différentielle. À partir du moment où «la langue est une forme, et non une substance», «dans la langue, comme dans tout système sémiologique. ce qui distingue un signe, voilà tout ce qui le constitue. C'est la différence qui fait le caractère, comme elle fait la valeur et l'unité» (34). Toute subjectivation sémiologique renvoie à la double nature du signe, une matière support de différences formelles signifiantes pour leur herméneute. La sémiologie de la subjectivité repose sur trois champs symboliques: l'espace et les formes du corps, les indices biologiques et socio - historiques.

- Sémiologie spatiale du vivant. La subjectivation spatiale est fondée sur la connexité topologique du corps vivant, image de l'insularité. Percevoir des différences formelles, c'est d'abord percevoir des formes qui, selon le mathématicien morphologiste René Thom (35), reposent sur «le principe de connexité (topologique) des traits»,«une condition générale nécessaire de l'individuation» des formes, et constituent des objets stables pour la perception et des référents rassurants pour la pensée symbolique. Cependant, quatre ruptures à la connexité identificatoire questionnent la subjectivation insulaire: la connexité temporelle avec les groupes symboliques d'appartenance, la nature transmorphique d'un corps vivant qui se fait et se défait, la nature systémique du vivant, l'identité des matériaux biologiques.

L'inscription temporelle de la subjectivité dans un corps vivant questionne à ses deux bouts, l'entrée et la sortie du vivant, avec son origine (enfant de...) et sa perpétuation avec sa descendance (parent de...) et ses relations avec ses groupes symboliques d'appartenance (membre de...), la subjectivité étant un socius intégré dans une collection vivante a laquelle elle appartient et dans laquelle elle se définit (famille, ethnie, religion, nation, etc.).

Le corps est une réalité transmorphique, il est le lieu de transformations et de déformations permanentes, de la genèse à la cénèse: les vies anthumes éventuelles, la genèse avec les matériaux géni­dentitaires (gamètes, embryons, foetus, ou autres pour d'autres cultures), la croissance avec les maladies, les malformations génétiques ou congénitales, les fragmentations et déformations sociales, rituelles ou accidentelles avec la dispersion des matériaux corporels (déchets métaboliques, accidentels ou opératoires), et enfin les déformations de la vieillesse et de la mort, avec les traitements du cadavre et la vie posthume éventuelle. Il n'y a de formes que de leur reconnaissance, elles sont les indices éventuels d'imputation de subjectivité. Plusieurs domaines sociaux sont concernés par cet acte. Attribuer une subjectivité en fonction de la forme est difficile à appliquer dans les situations de transformations continues et extrêmes, comme lors des phases de conception et d'embryogenèse, ou bien dans les phases de vieillissement et de cénèse (reconnaissance des cadavres), moments où les formes reconnues de l'espèce (humaine) ou la forme de la subjectivité ne sont pas encore ou plus assurées. 
L identification des matériaux biologiques est vitale en accidentologie, en criminalistique (police scientifique), en archéologie funéraire ou en paléontologie. Il s' agit d'identifier des cadavres ou des fragments de corps en cas de déformations majeures (décomposition cadavérique avancée, brûlures extrêmes, corps déchiquetés lors d'explosions ou d'accidents, découvertes de fragments biologiques dont l'espèce est incertaine). La tératologie pose la question de la reconnaissance d'une forme subjective vivante dans ce qui peut apparaître à l'observateur comme monstrueux, afin de décider, le cas échéant, de son devenir, ou en anatomo-pathologie, de comprendre la nature d'une aberration biologique ayant provoqué le décès d'un embryon ou d'un foetus.

(33) Yasunari Kayabata, <. Les ossements d'un dieu » in Récits de Ici pciuriie de la nuiin, op. cit.
(34) Ferdinand de Saussure. Cours de linguistique génércife, Paris. Payot, 1972, pp. 169 et 168.
(
35) René Thom, Esquisse choie séir~inpiwsigue. Ph~sique aristotélicienne et théorie des ccitnstrnphes, Paris. [nterÉditions, 1988. p. 18.  

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