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Les
sept catégories de la subjectivation temps de la question
"Dans
son coeur de bébé, ou même de fœtus, il était
peut-être
venu dans notre monde en faisant des efforts
déchirants pour ne
ressembler à personne. Et peut-être même
n'avait-il renoncé à notre monde en décidant
de mourir avant que
son visage ne commence à
ressembler
à celui d'un autre." Yasunari Kawabata (33).
Le
second type de savoir sur la subjectivité est de nature sémiologique:
il s'agit d'identifier des signes dont la valeur s'apparente à
celle du signe linguistique défini par Ferdinand de Saussure de
manière oppositive, négative et différentielle. À partir du
moment où «la langue est une forme, et non une substance», «dans
la langue, comme dans tout système sémiologique. ce qui distingue
un signe, voilà tout ce qui le constitue. C'est la différence qui
fait le caractère, comme elle fait la valeur et l'unité» (34).
Toute subjectivation sémiologique renvoie à la double nature du signe,
une matière support de différences formelles signifiantes pour
leur herméneute. La sémiologie de la subjectivité repose sur
trois champs symboliques: l'espace et les formes du corps, les
indices biologiques et socio - historiques.
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Sémiologie spatiale du vivant. La subjectivation spatiale est fondée
sur la connexité topologique du corps vivant, image de l'insularité.
Percevoir des différences formelles, c'est d'abord percevoir des
formes qui, selon le mathématicien morphologiste René Thom (35),
reposent sur «le principe de connexité (topologique) des traits»,«une
condition générale nécessaire de l'individuation» des formes, et
constituent des objets stables pour la perception et des référents
rassurants pour la pensée
symbolique. Cependant, quatre ruptures à la connexité
identificatoire questionnent la subjectivation insulaire: la
connexité temporelle avec les groupes symboliques d'appartenance,
la nature transmorphique d'un corps vivant qui se fait et se défait,
la nature systémique du vivant, l'identité des matériaux biologiques.
L'inscription
temporelle de la subjectivité dans un corps vivant questionne à
ses deux bouts, l'entrée et la sortie du vivant, avec son origine
(enfant de...) et sa perpétuation avec sa descendance (parent
de...) et ses relations avec ses groupes symboliques d'appartenance
(membre de...), la subjectivité étant un socius intégré
dans une collection vivante a laquelle elle appartient et dans
laquelle elle se définit (famille, ethnie, religion, nation, etc.).
Le
corps est une réalité transmorphique, il est le lieu de
transformations et de déformations permanentes, de la genèse à la
cénèse: les vies anthumes éventuelles, la genèse avec les matériaux
génidentitaires (gamètes, embryons, foetus, ou autres pour
d'autres cultures), la croissance avec les maladies, les
malformations génétiques ou congénitales, les fragmentations et déformations
sociales, rituelles ou accidentelles avec la dispersion des matériaux
corporels (déchets métaboliques, accidentels ou opératoires),
et enfin les déformations de la vieillesse et de la mort, avec les
traitements du cadavre et la vie posthume éventuelle. Il n'y a de
formes que de leur reconnaissance, elles sont les indices éventuels
d'imputation de subjectivité. Plusieurs domaines sociaux sont
concernés par cet acte. Attribuer une subjectivité en fonction de
la forme est difficile à appliquer dans les situations de
transformations continues et extrêmes, comme lors des phases de
conception et d'embryogenèse, ou bien dans les phases de
vieillissement et de cénèse (reconnaissance des cadavres), moments
où les formes reconnues de l'espèce (humaine) ou la forme de la
subjectivité ne sont pas encore ou plus assurées.
L identification des matériaux biologiques est vitale en
accidentologie, en criminalistique (police scientifique), en archéologie
funéraire ou en paléontologie. Il s' agit d'identifier des
cadavres ou des fragments de corps en cas de déformations majeures
(décomposition cadavérique avancée, brûlures extrêmes, corps déchiquetés
lors d'explosions ou d'accidents, découvertes de fragments
biologiques dont l'espèce est incertaine).
La tératologie pose la question de la reconnaissance d'une forme
subjective vivante dans ce qui peut apparaître à l'observateur
comme monstrueux, afin de décider, le cas échéant, de son
devenir, ou en anatomo-pathologie, de comprendre la nature d'une
aberration biologique ayant provoqué le décès d'un embryon ou
d'un foetus.
(33)
Yasunari Kayabata, <. Les ossements d'un dieu » in Récits de
Ici pciuriie de la nuiin, op. cit.
(34) Ferdinand de Saussure. Cours de linguistique génércife,
Paris. Payot, 1972, pp. 169 et 168.
(35)
René Thom, Esquisse choie séir~inpiwsigue. Ph~sique aristotélicienne
et théorie des ccitnstrnphes, Paris. [nterÉditions, 1988. p. 18.
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