° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ - PHILO RECHERCHE - FAC Michel HENRY et SPINOZA Par Roland
Vaschalde
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La seconde critique sera lue, selon la perspective que l’on
voudra choisir, comme une généralisation de la première ou comme son
principe même. Nous avons lu comment, dans le texte du Traité,
la dévaluation frappant le langage s’étendait à tous les signes, et
jusqu’aux plus impressionnants comme les miracles, incapables de fournir l’accès à la Révélation. A sa manière térébrante
Michel Henry va dégager l’intuition
ultime qui sous-tend ces affirmations, l’amplifier, et en fournir
la vérité phénoménologique. Celle-ci est celle du monde, qui révèle
sur le mode de la dissimulation, qui transforme la réalité de la
subjectivité vivante en une simple
représentation objective, une simple projection de la vérité intérieure
qui constitue sa source véritable et dont la transcendance l’a éloignée
dès son principe, étant l’Eloignement même. Nous l’avions déjà
compris en rencontrant le thème de l’incognito de la vie dans le monde
et cette répétition rappelle avec insistance combien, par delà ce qui
se montre, c’est la
monstration qui génère l’irréalité comme telle en tant qu’elle se
confond avec ce lieu transcendantal où tout ce qui advient le fait dans
le Dehors absolu de la non subjectivité, où notre vie devient
susceptible d’être perçue et comprise comme un simple processus en
troisième personne, un parmi la multitude infinie des phénomènes
mondains sur lesquels opinions et théories vont pouvoir proliférer. Ce
que la tradition hindouiste a désigné comme le voile de Maya.
Chapitres ‘ De la loi divine’ et ‘ De la raison pour laquelle
les cérémonies ont été instituées…’ du Traité,
chapitre ‘ L’Ethique chrétienne’ de C’est
moi la Vérité, commune aux deux philosophes, la théorie de la loi
repose sur le même socle critique. En accord avec la quasi totalité de
la tradition chrétienne tous deux tiennent d’abord au parallélisme
Ancien et Nouveau Testament // soumission à la Loi et libération par
l’amour. Il y a certes là une lecture du message juif (10) qui pourrait
être fortement nuancée mais cela sortirait du cadre de ce travail et ne
remettrait pas en question ce qui constitue notre visée présente :
interpréter l’analyse philosophique qui la rend possible. Et, une fois
encore, dans la sphère religieuse où se pose la problème du rapport à
Dieu comme dans celle de l’intersubjectivité humaine où s’établissent
les relations de pouvoir et d’obéissance
aux règles sociales, c’est l’hétéronomie de la loi, son caractère
d’extériorité vis à vis de celui à qui elle se montre, qui la discrédite
dans le projet illusoire d’en faire le mode d’accès privilégié à
la vérité authentique : celle de la Vie qui fonde tout vivant et
qu’il porte en lui comme le principe auto-régulateur et immanent de
chacun de ses actes. De telle façon que si l’on appelle ‘ Dieu’ ce
principe de connaissance intérieure et immédiate on pourra dire avec
Michel Henry que « toute vie s’accomplit dès lors ‘ devant
Dieu’…sous le regard de Dieu… regard qui n’est pas un regard mais
l’auto-sentir de la Vie absolue en toute vie singulière. » (11) A
cet auto-sentir s’oppose radicalement l’ensemble des prescriptions
transcendantes qui s’adressent à la subjectivité sur le mode d’une
interpellation venue d’ailleurs, primordialement marquée du sceau de
l’étrangèreté, et qui fait de chacune d’elles un contenu
en soi impuissant à établir dans la réalité de nos vies ce
qu’il prétend imposer. Nouvelle et bouleversante illustration de ce
partage entre les deux ordres de phénoménalité et donc de vérité qui
parcourt toute l’œuvre de Michel Henry et que nous avons sans cesse
rencontré comme la clef de compréhension principale de l’ensemble de
ces textes.
Devant une telle ampleur et une telle radicalité de sympathie
entre les deux grandes pensées que nous venons de confronter, il
est clair qu’essayer de définir leur relation en
termes ‘d’influences’, ‘d’ombre portée’ serait
simpliste sinon ridicule. Il reste bien plutôt le sentiment profond que
la rencontre propédeutique avec le philosophe d’Amsterdam Envoi : ce travail vaut hommage à Bernard Rousset. Sans la lecture de son article ‘ La Présence des Marranes dans la réflexion de Spinoza’ publié dans le n°498/499 de la revue L’Arche il n’aurait jamais vu le jour. Roland Vaschalde Montpellier : septembre 2000 ° Rubrique philo-fac http://www.philagora.net/philo-fac/ |