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Michel FOUCAULTLes Mots et les Choses

 Archéologie des sciences humaines, Gallimard, NRF, 1966.

Exposé: La classification dans Les mots et les choses.

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Contribution de Olivier DELOBEL (étudiant en maîtrise de philosophie à l'UPMF de Grenoble)

Une des notions qui a valu à l'ouvrage que nous allons étudier une importance considérable dans le champ de l'épistémologie contemporaine est celle d'épistémè. L'objet principal de l'analyse de Michel Foucault est, en effet, de dégager une nouvelle conception de l'histoire des connaissances et ce en rupture avec les interprétations historiques classiques qui perdurent encore aujourd'hui. Cette appréhension originale, Foucault la nomme "archéologie" (archè et logos) (d'où le sous-titre: une archéologie des sciences humaines). Il s'agit effectivement d'interroger le récit que nous offre l'histoire afin d'y retrouver les conditions de possibilité, c'est-à-dire les configurations ou pratiques discursives qui "ont donné lieu aux formes diverses de la connaissance". Ce sont ces conditions de possibilité qui constituent les épistémè. Autrement dit, "l'archéologie, s'adressant à l'espace général du savoir, à ses configurations et au mode d'être des choses, définit des systèmes de simultanéité, ainsi que la série des mutations nécessaires et suffisantes pour circonscrire le seuil d'une positivité nouvelle" (p. 14). Cette approche indique avant tout que l'histoire des savoirs ne s'est pas déroulée de façon linéaire et continue comme si, par exemple, celle-ci ne constituait qu'une ligne parcourue de segments indiquant une évolution par découvertes successives et par de plus grandes attentions accordées au monde. Avec Foucault, au contraire, l'histoire est discontinue. Les épistémè ne se succèdent pas de manière fluide mais par ruptures. De plus, cette succession n'implique nullement qu'il faille accorder une valeur plus grande à une positivité par rapport à celle qui la précède.
    La réflexion menée dans Les mots et les choses s'attachera, dès lors, à l'une de ces épistémè: l'âge classique qui s'étend de la fin de la Renaissance (epistémè de la représentation) au début de la Modernité (criticisme). Voyons donc dans les grandes lignes quels furent les caractères principaux et différenciants de ces deux premières épistémè  afin de saisir l'importance du concept de classification.

I. 2.   La configuration épistémique précédant celle de la représentation est toute entière dominée par la ressemblance. C'est autour de ce concept que le savoir de la Renaissance se forme et s'articule. Et a fortiori, c'est à partir de la ressemblance que le savant de l'époque appréhende le langage et la connaissance. Connaître au XVI° c'est interpréter et, je cite, "interpréter c'est aller de la marque visible à ce qui se dit à travers elle" (p. 47). Cette marque des choses qui s'offre à nos yeux est en fait la signature, le signe de la ressemblance que les choses entretiennent entre elles. L'harmonie ou la cohérence du monde sont donc assurées par la similitude qui unit les choses. C'est Dieu qui déposé ces marques pour que nous les recueillions et que nous reconnaissions Son oeuvre. Toutefois, pour qu'existent une connaissance, un discours scientifique qui soient en adéquation avec son objet, il faut un langage qui puisse correctement désigner les choses. Une nouvelle fois, c'est la ressemblance qui va être invoquée et assurer la rectitude de dénomination langage: les mots doivent être semblables aux choses ou, plus précisément, aux marques des choses (ex: langue unique avant babel; Hébreu, ...). Aussi, "savoir consiste à rapporter du langage à du langage". Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi la classification ne jouait aucun rôle majeur à la Renaissance. Le tableau des connaissances est linéaire. Il s'agit de découvrir les marques indiquant les ressemblances qui unissent les choses, de les répertorier et, si possible, de retrouver les mots qui ressemblent le plus à ce qu'ils désignent. Ainsi était-ce un savoir du Semblable, c'est-à-dire du même où aucune tentative systémique ou méthodique de classification ne fut entreprise. L'homme n'a pas à classer parce qu'il n'a pas à ordonner: il n'a qu'à déceler les ressemblances dans le monde que Dieu a ordonné.

   I. 3. Au XVII°, la ressemblance paraît insuffisante pour expliquer la relation entre les mots et les choses. Une première critique majeure mérite d'être relevée à ce propos.
Avec Cervantes, nous découvrons un Don Quichotte qui tente, mais échoue, de démontrer la conformité des signes langagiers aux choses (troupeaux = armées; servantes = dames; auberges = châteaux). Alors que dans la seconde partie du livre, des personnages rencontrent et reconnaissent Don Quichotte pour avoir lu la première. Nous assistons ici à l'émergence d'une nouvelle place et d'un nouveau pouvoir accordé au langage à savoir le pouvoir représentatif des mots. C'est grâce à la théorie de la représentation que va apparaître une nouvelle forme de savoir. "Le signe cesse d'être une figure du monde et cesse d'être lié à ce qu'il marque par les liens de la ressemblance". Maintenant, cette liaison est assurée par la représentation: le signifié est représenté par le signifiant et inversement; sans intermédiaire. Le signe ne préexiste plus au langage humain. Le langage devient transparent. C'est donc à partir du langage même qu'il convient d'établir un ordre. Mais non un ordre, répétons-le, déterminé par la similitude présente dans le monde car, comme l'indique Buffon, la nature est remplie de choses différentes et d'exceptions; de plus, les mots peuvent désigner plusieurs choses alors qu'elles peuvent être différentes. La pensée ne doit plus s'exercer selon la similitude mais selon la comparaison qui détermine les identités et les différences. La comparaison génère de cette façon un ordre. Il est donc question de créer un ordre à partir de l'analyse des identités et des différences et plus de répéter infiniment le Semblable que l'on retrouve dans l'univers. La science générale de l' ordre c'est la mathesis. Et, naturellement, le prolongement se matérialisera dans la taxinomia: disposition en tableaux ordonnés d'identités et de différences. Mais aussi et surtout, une conséquence pour toute connaissance de la nature à l'âge classique: la classification que je vais exposer plus en détail maintenant.

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