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  Internet, vampirisme post-industriel  
ou
 fabrique sociale de l’Autre virtuel?  

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L'histoire de la technique s'est retournée sur elle-même, auto-subversion géniale puisqu'Arpanet, la figure totémique d'Internet, c'était l'armée US, soit une machine de guerre.... (Deleuze a raison: les machines de guerre sont toujours subversion des machines étatiques! -Pour le meilleur ou le pire!)
   

"Nous avons gagné la guerre contre les nazis par les armes et non pas des arguments" martèle P. Legendre. Il s’agirait au contraire, de “jouer tout contre” l’interface entre Internet, réseau horizontal, transversal et l’Etat, status, structure hiérarchique, verticale c’est l’espace virtuel pur, celui de l’avènement du Miroir, du Tiers comme image instituante, institutionnalisante, institutrice de l’Autre. Le web est la nouvelle création laïque, intégralement machinique, processus de virtualisation qui appelle l’Actuel pur. Pour la première fois dans l’histoire de l’anthropogenèse les hommes invente un outil planétaire, mondial, espèce d’universel virtuel dont l’horizon concret est l’actualisation d’un Droit international.
Il ne faut pas "déménager" l'axe généalogique du "discours-du-droit" (Lacan: L'Envers de la psychanalyse) la question de l'image, de l’image de l’Autre -question des questions en son bord
institutionnel, dogmatique, n'est jamais détachable (pour le sujet comme pour les sociétés) de l'Autre symbolique, son enjeu est précisément la séparation des sujets d'avec soi (l'irréférence à soi comme l'écrit Derrida faisant écho à l’irrésiliable du sujet de Lévinas).
Le défaut de cette métaphore du droit ouvre un abîme, là même où l’euphorie opératoire des machines ferait oublier la question posée. En effet, la pseudo consistance qu'Internet donne à l'Autre produit déjà une cyber-addiction, de nouvelles drogues électroniques encore plus folles... La cyberencontre peut inventer, susciter la rencontre mais elle ne peut (impossible) la remplacer dans ses coordonnées existentiales. Le hors-là, figure vampirique de toute télé présence n’est même pas l’ombre du Da-sein, de l’être-là, elle est son im-posture même, son simulacre pur. Ni morte, ni vivante la présence virtuelle peut régresser vers un pur possible définitif, définitivement ajourné. Éviter cette dimension éthique des rencontres dans leur dimension de “présence réelle” n’est pas seulement une simple préférence ontologique, cela implique un incourtournable car le sujet comme l’humanité ne peut pas vivre longtemps sans risque de mort dans la folie du double sens  de l’image de l’Autre ou dans l’idiotie de la doublure du réel.
La déterritorialisation subjective induite par l’extension du multimédia, de l’internet doit trouver (penser, inventer) le principe sa limite devant les territoires existentiels du sujets: le hic et nunc, le
dasein, l'être-là reste LENTEMENT À CARTOGRAPHIER, nous devons assumer ce que Lévinas nomme la responsabilité pour l'Autre: CELA SUPPOSE pour un sujet quelconque la Mémoire, la garde du TEMPS ET de L'ESPACE D'AVANT INTERNET!

Faire croire que toutes nos transactions, nos relations désormais vont passer dans le code post-historique du temps numérique, du temps réel ne ferait que faire croître le désert. La formule que Nietzsche donne du nihilisme passif est en fait l’opposé absolu de la virtualisation,
l’opposé absolu de l’internet comme grand théâtre du dépliement, du déploiement de l’intelligence collective. Internet, grand livre encyclopédique virtuel dont chaque page est l’actualisation des savoirs différents peut-il devenir un lieu singularisant/universalisant d’une expérience collective du penser. Répondre non ne sera qu’un consentement à l’accroissement technique du progrès technique dont l’essence ne serait que technique. Le virtuel sans actualisation possible nous fait tomber dans la logique de l’apparence, du leurre, du simulacre. Kant serait sûrement à lire philosophiquement, psychanalytiquement comme le grand théoricien du vampirisme (Zizeck). La téléoprésence généralisée ouvre à la la mort en direct accélérée, à l'insubjectivation de l’être, à la perte de l’Autre, à son ravalement au Même du soi: thème d’une insécurité ontologique maximale, indice d’une prolétarisation subjective  de masse... La vitesse absolue, le mur du temps réel, nul ne peut le franchir... sinon c'est la Mort (cf. Paul Virilio La politique du pire.)

La vitesse de la lumière (terme grec synonyme de vérité, aléthéia), c'est la vérité de la mort! si les hommes ont inventé les Dieux, Dieu, puis... Internet, c’est bien pour conjurer la folie de l’Un, de l’univers unaire qui organise la réversibilité absolue de toutes oppositions, de toutes distinctions....

Ne pas conclure trop tôt. Ne doit-on pas apprendre que la garde de la mémoire -et même l’oubli de l’être- provient d’un événement d’être, de l’être comme événement immémorial? Tout discours philosophique depuis Socrate, et principalement depuis Heidegger vise une révolution philosophique radicale: libérer l’être de la question de son origine polymorphe, transcendance religieuse ou immanence magique. Si l’être cherche la virtualité de son principe dans l’acte, l’actualisation de sa puissance est le seul événement qui peut arriver. Internet ou le principe de la communauté virtuelle qui vient.....
   Nulle société, nul sujet ne peut s'imaginer regarder en face -c'est-à-dire sans le voile des images (de l’Autre) instituées- ni la matrice (sexuelle) des origines, ni le gouffre (existential) du temps.

Le cybernaute, nouveau citoyen réel d’une communauté virtuelle, elle-même, de plus en plus réelle, est de plein pied un sujet de nouveaux droits, “émigré de la subjectivité” immergé au sein d’une
communauté démocratique dont la vertu elle-même (“l’éthique de la discussion”) pourrait être le virtuel en route vers l’Actualisation: le peuple manque toujours dit Klee.

La cause de la pensée serait meilleure, si déjà s’y rencontraient des tenants de vues opposées, et non de simples adversaires.” Heidegger, Martin, “L’expérience de la pensée”, p. 23. Question III, Tel
Gallimard, 1976.

La liste est bien sûr inexhaustive elle reste à venir:
- droit de navigation,
- droit de discussion selon le principe de variation (cf. la chambre d’écho) “...(pour) comprendre quel problème pose quelqu’un et comment il le pose, il faut seulement l’enrichir, en varier les conditions, ajouter, raccorder, jamais discuter (...) comme une chambre d’échos, une boucle,
ou une idée revenait comme si elle était passé par plusieurs filtres
” Deleuze, Gilles, Pourparlers,  Minuit, 1990, p. 191

D’autres droits vont sans doute émerger (Internet à l’école est le commencement d’une révolution pédagogique...) certains seront à calculer, jurisprudence oblige, d’autres seront à penser, l’Autre,
n’est-ce pas toujours l’instance “indisponible” (Legendre) “Indesconstructible” qui prend l’être de l’homme “en otage”.
 Au pays de Magritte, puissions-nous élever le célèbre tableau: la Lunette d’approche comme l’emblème par excellence de l’enjeu d’une rencontre surprise aussi virtuelle, qu’actuelle, aussi nécessaire qu’inattendue entre l’inconscient le plus machinique (logomate) actuellement en expansion quotidienne (www, et sa fantastique production machinique des moteurs de recherches) et l’inconscient des cybernautes (logonaute) ! Qui peut dire qu’un dialogue entre un poète et un
philosophe n’est pas possible sur le Net. Je pense à Magritte et à Heidegger. Ce dernier écrit en 1948 dans l’Expérience de la pensée :
Si le courage de la pensée vient d’un appel de l’Être, ce qui nous est dispensé trouve son langage. Dès que nous avons la chose devant les yeux et que notre cœur est aux écoutes, tendu vers le verbe, la pensée réussit”.

Après tout, ce n’est pas tous les jours que l’an 2000 arrive et il y encore beaucoup de place en bas - (nanotechnologie), en haut (astronautique)- sur le web ! Cette place renvoie à la logique d’une mondialisation qui ne doit pas être confondue avec l’universel.

De la logique technique, cybermercantile du mondialisme à la logique virtuelle de l’universel, le passage au Droit international reste de toutes les questions actuelles, la question des questions.
Les philosophes préfèrent parler du passage du virtuel à l’actualité. Concrètement, la condition politique de l’Internet, c’est l’extension effective de la dialectique du droit international au sein même d’une communauté humaine de plus en plus réelle. L’enjeu effectif vise à produire la relève, d’une garde fort ancienne, l’aporie millénaire de l’individu intelligent au sein d’un collectif cruel, fou.

Texte de Jean-Louis Blaquier: jealier @ wanadoo.fr
Quelques pistes de lectures.
Deleuze. Différence et répétition, PUF. 1968.
P. Lévy. Qu’est que le virtuel? Paris, La Découverte, 1995.
Heidegger. Question 2. “l’expérience de la pensée”. Gallimard, 1976   

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