La thèse
soutenue par Kant est que l'éducation qui a pour rôle de développer
les "germes d'humanité" présents en nous, nous fait
accéder une "seconde nature" et nous fait passer d'un
état de fait à un état de droit: cela est rendu possible grâce
à l'Idée, c'est à un idéal qui, à cause de sa perfection ne
se trouve pas dans l'expérience. L'éducation aura alors pour rôle
l'incarnation de la valeur (de l'Idée) dans la vie quotidienne:
ainsi l'homme pourra passer d'un état brut animal, un état de
fait, à un autre état qui n'existe pas encore mais qui doit
être. le "devoir être" c'est
l'accomplissement de ce qui doit être pour être homme. A la différence
de l'animal qui est d'emblée tout ce qu'il doit être grâce à
son instinct, l'homme doit développer ces germes d'humanité qui
sont en lui. Pour cela l'homme devra avoir un concept de cette éducation
mais ce concept n'est pas encore formé dans toute sa pureté,
puisque l'humanité est en constante progression.
Alors
comment faire? "Aie donc le courage, dit-il, de te servir de
ta propre intelligence", de ta propre lumière cela suppose
une ouverture d'esprit et une marche vers l'avènement du bien.
Nos actes doivent faire émerger les valeurs, les idées, ce qui
n'ira pas sans nous faire rencontrer des résistances: ce
sera le prix à payer pour conquérir notre liberté d'homme.
Cette
liberté se conquiert donc au fil des jours, au sein de l'expérience
quotidienne, qui nous livre une connaissance. Cette connaissance
objective, sera rendue possible grâce à l'interprétation que
nous réservons aux phénomènes, c'est à dire aux choses telles
qu'elles sont pour nous, telles que nous les pensons. C'est là
que Kant explique la différence entre le concept et l'Idée. Ces
phénomènes nous les pensons grâce aux concepts qui les
unifient, leur donnent un sens et grâce à l'Idée qui est régulatrice
et unifie les concepts. Nous voyons se dessiner une sorte de
pyramide, la pyramide de la connaissance qui
montre comment notre esprit unifie la diversité de ses démarches.
Nous décelons ici l'universel et ce qui est simplement éprouvé:
l'universel, le fondamental, le transcendantal comme l'appelle
Kant est ce qui rend possible l'expérience non pas l'expérience
immédiate où les objets nous sont donnés mais celle au cours de
laquelle les objets sont proposés à l'activité de l'esprit qui
va les enrichir, les pénétrer de vérité.
Notre
connaissance dépend d'une certaine qualité de notre expérience,
de notre attention aux choses. Cependant si comme le dit Aristote
"nous sommes instruits par les choses qui ne savent pas
mentir", ces choses sont saisies dans un effort de réflexion.
Il est vrai que sans l'expérience nous serions dans la nuit, dans
l'opacité des choses puisque nous ne les connaîtrions pas. Mais
inversement l'expérience est ordonnée, unifiée, éclairée par
l'esprit qui la forme. C'est pourquoi nous pouvons dire que l'expérience
est la vie de l'esprit, l'éveil, l'avènement de l'esprit,
ce qui donne à l'esprit de se révéler à lui-même dès son
contact avec le monde qu'il observe. Le rôle de l'esprit est donc
devant les choses qui lui sont données et face aux valeurs vers
lequel il tend, qu'il désire parce qu'elles lui font défaut (n'étant
pas présentes dans l'expérience à cause de leur perfection),
mais qu'il ne pourrait pas désirer s'il n'en avait pas un avant
-goût: le rôle de l'esprit est donc de faire émerger ces
valeurs, de les incarner dans le quotidien; il entre en possession
de lui-même en affirmant le vrai, la recherche de la vérité est
la condition humaine. Par l'expérience nous accédons à
l'être, ce qui est, à l'universel, à l'intériorité.
C'est ce mouvement, ce dépassement du donné qui crée un rapport
intense entre l'homme et le monde et qui le constitue en tant que
sujet.
La
connaissance vraie nous permet donc de nous délivrer de notre
"subjectivité - refuge" celle où l'on se retire sans
pouvoir établir de rapport entre nous et nos représentation du
monde, comme le pensent les idéalistes, ou entre nous et la réalité
comme le soutiennent les réalistes. Sans ce rapport au monde, à
l'être, sans cette distance prise par rapport au monde, sans
cette reprise de soi, sans cette réflexion il n'y a pas de sujet
donc pas de vérité scientifique: la vérité de la science n'est
possible que si le sujet est délivré d'une individualité, s'il
a une valeur spirituelle, s'il est universel.
Cette "passion de la connaissance" permet donc -une
compréhension des choses, un savoir conquis, objectif,
communicable, prouvé et -un vécu, c'est à dire une expérience
spirituelle: lorsque notre esprit reconnaît et affirme le vrai,
lorsqu'il donne son approbation, il se rend homogène à
la vérité, il découvre sa vraie nature: il est fait pour la vérité.
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Qu'est-ce qu'un homme ? |