Kant
(1724,1804) pense que la connaissance de la chose-en-soi (ou
"Noumène) est impossible car la vérité ne peut pas
consister dans l'accord du jugement avec une réalité qui
transcende nos possibilités de connaître ce qui est vrai c'est
donc le jugement conforme au phénomène c'est à
dire conforme à la chose telle qu'elle est pour nous,
telle qu'elle nous apparaît telle que nous la pensons: est vrai
le jugement conforme à la pensée elle-même. Mais alors que
fait-on de "la chose", de la réalité?
L'école réaliste
soutient que le jugement vrai doit pouvoir atteindre la chose-
en-soi, qu'il peut y avoir conformité du jugement avec la réalité.
Quoiqu'il en soit ce que nous cherchons c'est la
possibilité d'un accès à l'être, à ce qui est. Nous
voulons comprendre, connaître ce qui est. Tout ne vient pas des
choses qui nous entourent, notre esprit s'engage, entre en
relation avec elles. Notre esprit certes ne constitue pas le monde
objectif car la réalité existe hors de nous, indépendamment de
nous, mais ce que notre esprit crée, c'est son rapport au
monde.
Que cette recherche de la vérité soit vue, comme pour Descartes
par exemple, comme une domination, pour nous
"rendre maîtres et possesseur du monde" (D.M 6ème
partie), ou comme inclination, telle que la conçoit
Pascal, "nous allons à la vérité par un mouvement du cœur",
dans tous les cas la recherche de la vérité ne nous amènera pas
à retracer une simple copie du monde.
Le
jugement vrai suppose un travail de l'esprit, il n'est
pas un simple reflet passif. c'est alors qu'il va nous falloir
reconnaître quelque chose d'étonnant: notre esprit est capable
de distinguer le vrai du faux. Nous possédons une
rectitude intérieure et une rigueur qui va obliger le
scientifique à repousser comme faux tout ce qui n'est que
vraisemblable. Où chercher la vérité? Saint
Augustin écrivait: "La vérité habite l'homme intérieur".
Cet homme intérieur c'est celui qui est capable
de juger selon des normes. Nous trouvons une mesure intérieure,
une règle de nos actes, une exigence. Le rôle de l'esprit est
donc de juger, d'affirmer mais il n'est pas le simple témoin des
évènements qui se passent en lui, "il n'est pas comme la
plage battue par les flots" (Jules Lagneau). l'esprit est présent
à ce qu'il pense, il est acte.
La vérité est
aussi une propriété du connaître: si l'esprit par nature est
orienté vers la vérité il doit la conquérir : la vérité,
puisqu'elle est une propriété de l'être ("la vérité
c'est ce qui est") est à dévoiler, à découvrir par un
jugement vrai.
Un autre sujet d'étonnement va alors apparaître: il y a entre le
réel et nous une correspondance. En effet le
jugement vrai suppose un travail de l'esprit, il est une
reconstruction intelligible du réel: à force d'observations,
d'hypothèses, d'expérimentations de confirmations, de synthèses,
le jugement pourra découvrir, rendre compréhensible,
intelligible et rationnel le monde qu'il observe.
Le recherche de
la vérité fait comprendre qu'il y a un ordre dans le monde et
que l'esprit qui est ordre lui-même retrouve cet ordre présent
dans le monde. Bergson dans La pensée et le mouvant
explique qu'il y a un dialogue entre l'esprit et la nature, une
liaison car il n'y a pas de sens qui soit extérieur aux choses et
il n'y a pas de choses pensables sans un sens. Il écrit:
"La nature éveille notre curiosité, nous lui posons des
questions, ses réponses donnent à l'entretien un ton imprévu,
provoquant de nouvelles questions auxquelles la nature répond en
suscitant de nouvelles idées, ainsi de suite indéfiniment."
Bergson.
Il insiste sur le
fait que la recherche ne consiste pas à accumuler des faits
"passifs" auxquels la synthèse viendrait ensuite donner
un sens: "Le travail de généralisation ne consiste pas à
venir après coup trouver un sens plausible à un discours incohérent...
le discours doit avoir un sens tout de suite ou alors il n'en aura
jamais". Ce qui montre la spontanéité de notre esprit,
toujours actif qui s'avance vers le monde sans jamais s'y
abandonner. C'est dans ce rapport à la vérité que nous
deviendrons ce que nous avons à être, des sujets.
Et pour cela il
faudra commencer par consentir, accepter notre nature qui est de
nous incliner vers la vérité: ce mouvement qui nous porte vers
la vérité consiste à renoncer une étroitesse d'esprit, à un
replis sur soi, ce qui est le contraire du recueillement, de l'intériorité.
L'intériorité est révélante alors que le repli sur soi n'est
autre que l'abandon pur et simple de la recherche, c'est un
obstacle à la vérité qui consiste à se contenter de
l'apparence des choses (voir la
caverne de Platon), à se retirer dans une subjectivité
empirique qui fait du sujet un objet en refusant la présence de
ce qui est en nous, le désir de la Vérité.
Mais de quelle vérité s'agit-il? "Comment
faire pour trouver la vérité" lit-on dans Le Parménide
de Platon. La réponse est: "assouplis-toi!" Il faut
opérer une ouverture de notre esprit, sortir de soi et avec notre
esprit tout entier, aller au devant de l'expérience
car la vérité n'est pas située en nous d'une façon
accidentelle, comme sur-ajoutée: si notre esprit est capable de découvrir,
de comprendre ce qui est c'est parce qu'il est lui-même vérité.
Dans son désir de connaître, il va vers le monde mais son
attitude n'est pas celle de la soumission, c'est celle de l'accueil
de ces données qui ont un caractère intelligible: c'est ce qu'on
appelle l'expérience. Notre conscience a une
double démarche: -nous sortons de nous-mêmes pour aller vers les
choses; -nous revenons du spectacle que nous donnent les choses à
l'action de la conscience pour les comprendre et les faire nôtres.
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