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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS 

La sensibilité

La promesse de la sensibilité ? L’immanence: une vie. 

par Jean Louis Blaquier jealier @ wanadoo.fr

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Le “grand mérite” de Kant.

La plus grande différence possible: la Vie, la Liberté.

Depuis Platon jusqu’à Descartes, la question du sensible, de la sensibilité se laisse capter comme l’en-dehors opaque mais réel (spatium) du sujet connaissant. Si Hume voit bien que la connaissance implique des principes subjectifs, la possibilité de dépasser le donné (sensible) ne renvoie pas à une subjectivité empirique ou psychologique mais à une subjectivité transcendantale. C’est l’effet de la révolution copernicienne qui donnera à Kant la capacité de décentrer vers le transcendantal, le sujet non sensible, non empirique, son lieu de production de la connaissance effective de l’objet sensible.       Désormais, la connaissance scientifique, la pensée philosophique est originairement liée, dérivée de la faculté sensible laquelle trouve sa condition formelle dans la dimension imaginaire du temps. Ni réel, ni donné, le Temps s’origine pour nous sur fond d’intemporel, au même titre, mutatis mutandis,   le sujet sensible celui du désir rencontre sa division (Spaltung) selon l’ordre croisé de la Pulsion (Réel pour Lacan) et l’ordre de la Loi éthique (Symbolique pour Kant comme pour Lacan). Ens Imginarium, le Temps est mode d’intuition universel de la sensibilité. Universel mais dérivé (intuitus derivatus). Le temps procède de l’altérité dérivée, non de l’identité originaire (intuitus originarius). La première schize d’avec la sensibilité est constituée par la sphère de l’affect, la faculté de désirer. Pour le sujet de la psychanalyse, l’affect est toujours l’effet et non la cause de l’ordre signifiant,
inconscient. Pour le sujet de la philosophie, la matière de nos connaissances n’est pas la matière du monde, elle renvoie à la seule forme de notre esprit lequel tire sa configuration de l’espace et du temps comme intuition sensible a priori.

De quel droit, existe-t-il un principe en vertu duquel l’expérience la plus sensible est soumise à nos représentations a priori?  Kant annonce la ligne de grand partage ou de la plus grande différence possible entre la philosophie antique et la philosophie moderne, entre la Vie (la sensibilité) ou la Liberté (le sujet comme grand législateur du sensible, des perceptions, de l’esthétique, de la Nature elle-même.

Primat de la sensibilité.

La première leçon kantienne ne concerne plus l’être du sensible mais le primat de la sensibilité comme condition de possibilité des phénomènes proposés à la connaissance objective, scientifique. Ce même primat du sensible approche ce que Freud indexe sous le terme de pulsionnel, de libido: les pulsions les plus fortes de la nature, qui représentent une force invisible dirigeant le genre humain (...) sans que la raison humaine ait à intervenir, sont l’amour de la vie et l’amour sexuel”5.

Ainsi, la premier schize psychique se marque d’une différence ou césure nette; la faculté de désirer contrairement à la faculté de sensibilité se définit comme autodétermination du pouvoir d’un sujet par la représentation d’un fait futur, qui serait l’effet de ce pouvoir”.

La sensibilité, au sens strict, ne pense, ni ne calcule, elle est pouvoir passif d’être affecté puisqu’issue du sens interne des sensations.”7

D’une certaine manière, l’opération de la fondation cartésienne de l’acte philosophique avait ouvert une brèche dans le savoir antique par la seule reconnaissance de la condition formelle de l’intuition interne qu’est le temps, et ce, dans le triple rapport du sujet au sentir, au connaître, au penser. La faculté de juger éthique contrairement à celle du goût esthétique n’appartient pas à la sphère non judicative de la sensibilité. Ce point est décisif car pour le philosophe qui inaugure la philosophie du sujet, du Cogito, la terre natale de la vérité n’est plus la Nature, la Vie mais le sujet raisonnant: la subjectivité libre qui doute, qui compute, qui pense. A Descartes, il convient d’attribuer, pour notre recherche, deux acquis non négligeables.

1/. La détermination du sensible sous une substance matérielle, corporelle dépliable comme forme quantitative de l’étendue géométrique.
2/. La spécification psychique de l’humain, en dehors des catégories métaphysiques grecques du “genre” comme si l’homme, était à ranger dans une simple “espèce” animale!

Par exemple, l’homme comme animal raisonnable. Descartes découvre, invente un nouvel espace (spatium), une seconde substance psychique qui, est en fait, tresse l’univers de nos opérations psychiques en général autour du “penser”: la sensibilité (incluant le Désir, les passions, le sexuel) l’Entendement, la Raison. En un sens, le Je spécifie profondément, donne FORME à l’organisation
psychique et au Moi. Le JE devient la grande qualité, la substance dans le fond du psychisme humain, strate ontologique, absolument irréductible à la spécification biologique. Tout le Cogito cartésien est le lieu d’un débat ontologique d’une grande modernité puisque le sujet s’y trouve radicalement divisé, non point entre sa partie spirituelle et sa partie animale, automatique, mais c’est de l’intérieur même de ce qui spécifie l’humain, son humanité symbolique même que le Je et le Moi s’expliquent entre Raison méthodique et folie unaire du doute.

Primat du parlêtre.

Lacan, au-delà de Kant saura reconnaître à Descartes jusqu’à quel point de certitude il a fondé le sujet de la science -compris pour la science de l’inconscient: la psychanalyse. Le discontinu, l’intensité du doute du sujet cartésien produit une véracité, une vérité subjective aussi évidente que la discontinuité du psychisme placé sous la juridiction de l’inconscient, de ses formations: symptômes, rêves, fantasme, oublis, actes manqués, lapsus....La vérité freudienne met en évidence la réalité du psychisme, jusqu’au retournement du sensible en son contraire, lorsque l’inconscient impose au sujet ses traits, sa marque, le principe affirmatif de la répétition. De l’hypersensibilité de l’hystérique
insensible à tous les malheurs subjectifs que ce sujet provoque dans une vie, à la froide indifférence du psychotique, fidèlement attaché au moindre indice d’égard qu’un autre, ou l’Autre peuvent lui témoigner, il y aurait un large tableau clinique à déplier.
  Le monde sensible est précisément ce dont l’opération constitutive de l’être et l’opération constituante du penser doivent l’une et l’autre se libérer, se délivrer pour accéder à la permanence de l’objet réel, à l’identification possible du savoir vrai. C’est à Kant que revient le grand mérite de remarquer le primat de la sensibilité relativement à son enjeu devenu aujourd’hui fondamental, notamment pour la psychanalyse: la structure transcendantale, ontologique du sujet. La réputation contemporaine de la sensibilité est d’emblée fort ambiguë puisque elle indexe des réels aussi hétérogènes que l’affectif, le feeling, l’idéal d’immédiateté, de transparence ou le fantasme, l’élan de création esthétique. Ainsi curieusement, pour la philosophie en ce qui la sépare de la théologie, la sensibilité semble affectée d’une sorte de “péché originel” tant la sarabande de sa diversité imprenable, mouvante, insondable, interdirait, résisterait à la mise en relief représentative, conceptuelle.

Le parcours de sa manifestation résonne à l’intérieur du socle transcendantal du sujet, comme s’il s’agissait d’un autre temps, d’un autre espace, celui du psychisme freudien dont la chambre d’écho renvoie aux paradoxes des fantasmes inconscients, de la libido, du Réel qui, au coeur de l’habitat symbolique de l’humain vient déranger le désir d’harmonie, d’unité imaginaire qui définit le Moi et ses idéaux contre le Je: “Je” césuré, divisé, “fêlé” par le jeu de l’Autre vital dont il procède. Si la découverte du transcendantal est la décision novatrice du kantisme dans l’histoire de la philosophie, lier le temps, le ligaturer à l’exercice (libre) du penser, simultanément, la sphère de la pure subjectivité, noeud ou secret absolu de la sensibilité, trouve son unité et sa puissance primultime dans le temps, lieu le plus bas et le plus du procès symbolique qui spécifie l’être parlant, le parlêtre (Lacan).

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