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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Tchekhov 

Oncle Vania

Acte I.  "Pause" pour mieux comprendre  !  

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Oncle Vania, un carrefour familial.
Maria est la mère de la première femme du professeur Sérébriakhov et la mère de Oncle Vania.

Sérébriakhov a donc épousé la soeur de Vania, en première noces: il a eu une fille: Sonia (diminutif affectueux de Sophie, la sagesse.)
Vania est donc l'oncle de Sonia.
En deuxième noces, après le décès de sa première femme, Sérébriakhov le professeur a épousé Elena (17 ans).

Oncle Vania est donc au carrefour de la famille: fils de Maria, oncle de Sonia, beau-frère de Sérébriakhov.
L'action se passe dans un domaine.

Au delà des causes les plus évidentes le travail et les relations avec des "toqués", Astrov le médecin (en visite), un peu plus haut, nous a donné à penser la cause profonde de son changement, celle qui n'apparaissait pas immédiatement: quelque chose s'est cassé en lui dans une expérience: en voulant donner la vie, il a donné la mort, "comme si c'était moi qui avait voulu le tuer", précise-t-il dans un éclair de lucidité. Cette expérience rejaillit sur toute forme d'action, ce qu'il faisait, ce qu'il fait, et projette une vague d'ironie sur toute sa vie. Cette expérience a pour caractéristique essentielle de révéler l'inanité de la recherche du bonheur dans l'accomplissement du devoir: faire son devoir ne peut être une fin en soi si on peut faire le mal en croyant faire le bien, si l'intention la plus pure peut toujours se doubler d'une motivation inconsciente ("comme si j'avais voulu le tuer"...)

Dans le discours de Oncle Vania, dans ce qu'il dit de lui nous avons la même structure: avant, maintenant et, au milieu un déclic: lui aussi a connu des expériences qui ont fait tout basculer et qui permettent de comprendre qu'il ait pu devenir autre.
Tout comme Astrov, Vania a changé, mais en fonction de plusieurs expériences qui ont fait, pour ainsi dire, boule de neige: la mort de sa soeur après une longue maladie, l'apparition d'Elena,  devenue objet de passion et avec elle, les affres de l'amour non partagé, la "perte" de sa propre mère du fait de l'influence exercée par Sérébriakhov. Son admiration pour le professeur, sa vénération a laissé place à la haine (= vouloir sa disparition en le tuant) et à la rivalité amoureuse. Cela l'éloigne du respect de la loi morale et l'amène à rechercher le bonheur dans la transgression en prenant la femme de celui qu'il a certainement considéré comme un père (Oedipe) et pour qui il a tant travaillé au point de lui envoyer régulièrement le fruit de son travail pour lui doubler son salaire.
En fait, il se pourrait bien que Oncle Vania n'ait fait que changer de chaînes.

Vania sort de la maison et entre en scène dans le jardin, balance du sommeil à la veille, du lit au banc, de l'avant au maintenant, se montre capable de renier le passé et de devenir autre; lui qui vénérait  Sérébriakhov bascule dans la haine: lui le fidèle, le studieux est devenu inactif, l'infidèle qui prêche l'infidélité à la jolie Elena comme si le devoir d'être heureux, la recherche du bonheur passait avant la vertu.

Si oncle Vania donne son nom à la pièce de Tchekhov, ce n'est pas parce qu'il en est le héros principal, pour la bonne raison que, à part Sonia, aucun personnage n'émerge de la médiocrité, de la monotonie, dans laquelle le temps finit par tout égaliser. Les autres personnages, Marina, Tiéliéguine, un propriétaire ruiné, Maria, le veilleur de nuit restent en marge et pour ainsi dire comptent les points, à la manière d'un coeur antique: lisez la fin du dernier acte (page 100). Tiéliéguine joue, Maria écrit dans les marges, Marina tricote son bas, le veilleur de nuit tambourine sur sa planchette...