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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Tchekhov 

Oncle Vania

Acte I. (page 13) Bourrelé de remords ! 

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De "Tu mangerais pas un petit quelque chose ?" (page 13)
à "
C'est beau ce que tu as dit" (page 14)

Si la recherche du bonheur ne peut se réduire à la satisfaction du devoir accompli envers le prochain et contre ce qui le menace, c'est non seulement parce que l'homme est aussi un être sensiblement affecté mais  parce que les conséquences de l'action échappent à l'intention au point de transformer en mal (la mort) ce qui était voulu comme un bien (la guérison par des soins appropriés).

Et pourtant, que de dévouement, que d'abnégation chez le médecin Astrov qui affronte l'épidémie de typhus au risque de sa vie avec des protections et des thérapeutiques dérisoires, au prix d'une fatigue extrême dans le méli-mélo sale des hommes et des bêtes, donnant tout son temps au service de son prochain, sans même s'asseoir ou manger de la journée!

Or un incident va découvrir au médecin l'ambiguïté de sa démarche: en cherchant à soigner un aiguilleur, en cherchant à soulager ses douleurs, il le tue par le chloroforme, un acte impliqué par la thérapeuthique qu'il entreprend. Voilà un de ces pétards mouillés qui scandent la pièce de Tchékhov, Oncle Vania. Un rire qui va accompagner tous les efforts.

Comme si la dernière scène de la journée troublait le sens de tout ce que Astrov avait fait ou cru faire. C'est la mort qui désormais le nargue car elle jaillit toujours pour rendre vains ses efforts: voilà pourquoi il ne peut plus aimer car pour lui une association se crée entre l'amour et la mort; voilà qui réduit le désir à un simple besoin, à la recherche de la jouissance passagère du plaisir et non à la poursuite d'un être unique qui invite à rechercher la joie d'exister ensemble dans une création partagée.

A partir du moment où le désir est lié à la mort, comme le désir ouvre l'avenir, Astrov ne peut plus envisager un avenir pour lui où il serait reconnu où toutes les plaies seraient pansées. Il se réfugie donc dans l'utopie: mais dans cent ou deux cents ans, sera-t-il oublié? Cela rendrait vains tous ses efforts pour frayer la voie à un monde meilleur. Nul doute que la connaissance de la vie de Tchékhov pourrait vous aider ici. Astrov sera-t-il reconnu comme celui qui a préparé des lendemains qui chantent en déblayant le terrain?

Marina, en voyante, console l'affligé: le bonheur peut se mériter grâce à un Dieu qui se souvient de tout et surtout du travail régulier des hommes. Si les hommes oublient, Dieu récompense.
"
C'est beau ce que tu as dit" ou si l'on préfère, c'est bien dit. Peu importe car on n'est plus sur terre: le bien, le beau et le juste se rejoignent dans le Dieu évoqué et invoqué par Marina.
Gardons cela en mémoire, cela nous permettra de ne pas faire de contresens sur la finale de la pièce. S'il y a une lumière dans toute la pièce de Tchékhov, elle est là.