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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Tchekhov 

Oncle Vania

Acte II - Je fermerais bien la fenêtre...

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A la fin de l'acte I, Elena, dans un discours, nous a laissé pressentir qu'elle n'était pas ce vide autour duquel les hommes brodent au gré de leurs fantasmes, qu'elle savait réfléchir et qu'elle pouvait saisir, avec la sûreté de l'intuition. On comprenait que si elle n'existait pas aux yeux des prédateurs, que sont Vania et Astrov, cela ne signifiait pas qu'elle n'existait pas réellement.

= Le début de l'acte II va nous introduire dans l'intimité du couple qu'elle forme avec Sérébriakhov. Elena et Sérébriakhov, somnolent ce qui en dit beaucoup sur l'ennui du couple: ils sont assis côte à côte, simplement juxtaposés,devant une fenêtre ouverte qui ne rend que plus cruelle la fixation du couple figé dans la routine.
Le vieux professeur en se réveillant croit voir sa fille comme si son regard traversait Elena ou comme s'il était encore dans les brouillard d'un mauvais sommeil. Que trouve-t-il à lui dire? Qu'il souffre d'une douleur qui est insupportable. A cela Elena répond par une explication simple et rassurante qui donne la cause de la souffrance et qui permet de trouver une solution en couvrant les jambes de son mari. 

Puis vient une timide demande: comme si Elena cherchait une autorisation de fermer la fenêtre, ce qui laisse supposer qu'elle est partagée entre la peur de la tempête et la crainte de provoquer la colère du professeur.
Sérébriakhov se présente comme celui qui dit non, le même qui dira non à la fin de l'acte. "J'étouffe" peut très bien exprimer qu'il suffoque à cause de la chaleur mais aussi le fait qu'il est en train d'étouffer Elena. Sous entendu:  Elena le fait mourir à vouloir fermer la fenêtre. Il ne parle que de lui comme s'il était le seul à compter, un peu comme un enfant que la vieille Marina "maternera" et amènera se coucher, un peu tard dans l'acte II.

= Que nous dit cette ouverture de l'acte I sur la recherche du bonheur?
Non seulement que la vieillesse, la maladie, rendent cette recherche vaine mais que le couple devient un alibi pour empêcher l'autre de grappiller quelques instants de bonheur, quelques petites satisfactions (fermer la fenêtre, jouer de la musique un peu plus tard). Toutes les tentatives et les voeux, de celle que le professeur s'est engagé à aimer sont refusés, comme s'il voulait qu'elle soit aussi malheureuse que lui, en la réduisant à la condition d'esclave au gré de ses ordres et de ses caprices.
En disant non, en s'opposant à ce qui pourrait la satisfaire, il s'oppose à son bonheur, comme si son bonheur était de l'entraîner dans son malheur.
Le comble c'est que, à l'action du temps destructeur, s'ajoute celle de l'homme qui considérant la femme comme son objet, le prolongement de lui même plonge dans le malheur tous ceux qui l'approche.
Dès lors, à quoi bon tenter de se réapproprier le temps si les rites sociaux (mariage, conditions de la femme...) nous volent notre propre temps. Elena ne rencontre que des hommes qui en veulent à sa jeunesse.
Ainsi, au ravage du temps destructeur, la société fait plus que collaborer