A la fin
de l'acte I, Elena, dans un discours, nous a laissé pressentir
qu'elle n'était pas ce vide autour duquel les hommes brodent au
gré de leurs fantasmes, qu'elle savait réfléchir et qu'elle
pouvait saisir, avec la sûreté de l'intuition. On comprenait
que si elle n'existait pas aux yeux des prédateurs, que sont
Vania et Astrov, cela ne signifiait pas qu'elle n'existait pas réellement.
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Le début de
l'acte II va nous introduire dans l'intimité du couple qu'elle
forme avec Sérébriakhov. Elena et Sérébriakhov, somnolent ce
qui en dit beaucoup sur l'ennui du couple: ils sont assis côte
à côte, simplement juxtaposés,devant une fenêtre ouverte qui
ne rend que plus cruelle la fixation du couple figé dans la
routine.
Le vieux professeur en se réveillant croit voir sa fille comme
si son regard traversait Elena ou comme s'il était encore dans
les brouillard d'un mauvais sommeil. Que trouve-t-il à lui
dire? Qu'il souffre d'une douleur qui est insupportable. A cela
Elena répond par une explication simple et rassurante qui donne
la cause de la souffrance et qui permet de trouver une solution
en couvrant les jambes de son mari.
Puis
vient une timide demande: comme si Elena cherchait une
autorisation de fermer la fenêtre, ce qui laisse supposer
qu'elle est partagée entre la peur de la tempête et la crainte
de provoquer la colère du professeur.
Sérébriakhov se présente comme celui qui dit non, le même
qui dira non à la fin de l'acte. "J'étouffe" peut très
bien exprimer qu'il suffoque à cause de la chaleur mais aussi
le fait qu'il est en train d'étouffer Elena. Sous entendu:
Elena le fait mourir à vouloir fermer la fenêtre. Il ne parle
que de lui comme s'il était le seul à compter, un peu comme un
enfant que la vieille Marina "maternera" et amènera
se coucher, un peu tard dans l'acte II.
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Que
nous dit cette ouverture de l'acte I sur la recherche
du bonheur?
Non seulement que la vieillesse, la maladie, rendent cette
recherche vaine mais que le couple devient un alibi pour empêcher
l'autre de grappiller quelques instants de bonheur, quelques
petites satisfactions (fermer la fenêtre, jouer de la musique
un peu plus tard). Toutes les tentatives et les voeux, de celle
que le professeur s'est engagé à aimer sont refusés, comme
s'il voulait qu'elle soit aussi malheureuse que lui, en la réduisant
à la condition d'esclave au gré de ses ordres et de ses
caprices.
En disant non, en s'opposant à ce qui pourrait
la satisfaire, il s'oppose à son bonheur, comme si son bonheur
était de l'entraîner dans son malheur.
Le comble c'est que, à l'action du temps destructeur, s'ajoute
celle de l'homme qui considérant la femme comme son objet, le
prolongement de lui même plonge dans le malheur tous ceux qui
l'approche.
Dès lors, à quoi bon tenter de se réapproprier le temps si
les rites sociaux (mariage, conditions de la femme...) nous
volent notre propre temps. Elena ne rencontre que des hommes qui
en veulent à sa jeunesse.
Ainsi, au ravage du temps destructeur, la société fait plus
que collaborer |