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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

  • Sénèque : (4 av. J-C à 65 après J-C)
     

    Sénèque: sur La brièveté de la vie - sur La vie heureuse
     
    Sénèque:
    De brevitate vitae - De vita beata

Chapitre XV, pages 132 à 134 Edition Arléa

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Je vous propose la traduction de José Kany-Turpin dans l'édition GF. Flammarion n°12/44 (ce texte (Traduction François Rousseau) se trouve dans l'édition Arléa, celle qui a été choisie par les auteurs du programme officiel, page 132 à 134. 

XV. 1. Aucun d'eux ne te forcera, tous t'apprendront à mourir. Aucun d'eux ne te fait perdre tes années, chacun te donne les siennes. Avec eux, jamais de conversation dangereuse, d'amitié funeste, de déférence trop cher payée. Tu retireras d'eux tout ce que tu voudras : il ne tiendra qu'à toi de puiser largement, autant que tu pourras. 2. Quelle félicité, quelle belle vieillesse attendent celui qui s'est mis sous leur patronage ! Il aura des amis avec qui délibérer sur les plus grandes comme sur les plus petites choses, qu'il pourra consulter tous les jours sur lui-même, de qui il entendra la vérité sans outrage et la louange sans flatterie, à la ressemblance desquels il pourra se façonner. 3. Nous avons coutume de dire qu'il ne fut pas en notre pouvoir de choisir nos parents, le hasard nous les avant donnés ; mais il nous est permis de naître à notre gré. Il y a des familles de nobles génies choisis celle où tu veux être admis. Par adoption, tu ne recevras pas seulement leur nom, mais leurs biens eux-mêmes que tu n'auras pas à défendre en avare, de manière abjecte : ils s'accroîtront d'autant plus que tu les partageras avec plus de personnes. 4. Ces génies t'ouvriront le chemin de l'éternité. Ils t'élèveront à une place d'où personne n'est précipité : voilà le seul moyen de prolonger la condition mortelle, bien plus, de la convertir en immortalité. Les honneurs, les monuments, tout ce que l'ambition a commandé par ses décrets ou construit par ses efforts, s'écroule bien vite. Il n'est rien que le vieillissement ne démolisse ou n'ébranle. Mais il ne peut rien contre ce que la sagesse a consacré : aucun âge ne l'abolira, aucun âge ne l'affaiblira. L'une après l'autre, les générations sans cesse apporteront un tribut à son culte, car, si l'envie porte sur ce qui est proche, nous admirons sans réserve ce qui est placé au loin. 5. La vie du sage s'ouvre donc largement : il n'a pas pour clôture la même borne ' que les autres. Seul, il est affranchi des lois du genre humain, tous les siècles lui sont soumis comme à Dieu. Le temps, est-il passé ? Il s'en saisit par le souvenir. Présent ? Il en fait usage. A venir ? Il l'anticipe. La réunion de tous les temps en un seul lui fait une longue vie.

Sénèque, De la brièveté de la vie, chapitre XV

XV. 1. 
Parce que, un contraire éclaire l'autre, Sénèque oppose la sagesse des anciens à la folie des contemporains. Il accumule les oppositions qui sont toutes à l'avantage de la fréquentation des anciens maîtres de sagesse... pour peu qu'on se place sur le plan de la spiritualité pure. Dès le début, le thème est celui de la violence et des dangers que les contemporains courent et font courir. Il faut savoir que lorsqu'on décidait la mort de quelqu'un, on faisait bonne mesure en faisant  disparaître tous ses amis pour éviter les vengeance.
Forcera = utiliser la violence pour te faire mourir, par exemple t'enverra l'ordre de te "suicider"; ce qui arrivera à Sénèque.
Apprendront : puisque la mort est inéluctable, les anciens maîtres de sagesse t'apprendront à bien mourir avec courage et confiance puisque tout est bien. Tu accepteras l'ordre de l'univers comme les stoïciens, mais ce n'est qu'un exemple car dans ce texte et dans le traité, Sénèque parle en général et non plus du stoïcisme en particulier.
Perdre tes années : dilapider, c'est user immodérément de son temps et par conséquent, faire perdre le temps des autres.
Donne les siennes : t'apporte le fruit de leurs loisirs studieux.
Conversation dangereuse : car tu risques d'être mal compris, jalousé, écouté, dénoncé ou de finir par un emportement devant la bêtise d'un contemporain trop intéressé.
Amitié funeste : d'une part tous les ennemis de ton ami deviennent tes ennemis, d'autre part en te nuisant, on s'imaginera nuire à tes amis!
Déférence trop cher payée : parce que d'une part tu t'abaisses et tu t'éloignes de la vertu, et que d'autre part celui que tu flattes attendra toujours plus de toi et en particulier que tu ne t'éloignes pas, tu y perds la liberté.
Notez le rythme (retour de eux) qui imprime, pour ainsi dire, la référence aux sages, ceux qui ont fondés de vénérables doctrines.

XV. 2. 
Délibérer
: c'est débattre, peser le pour et le contre avant de prononcer un jugement à propos d'un sujet, d'une question et d'un problème, de ce qui préoccupe les philosophes: non point ce qui porte sur le simplement utile, la générosité restreinte, mais sur ce qui concerne tout ce qui importe vraiment, tout ce qui est vraiment utile.
Sur lui même : en ce qui le concerne, sur sa propre manière de réagir aux événements par exemple.
La vérité sans outrage : la vérité est d'autant facile à supporter qu'on la trouve par un discours intérieur à l'occasion d'une lecture. IL n'y a pas la honte de voir le regard ou le sourire d'un autre. On ne se vexe pas, on ne se sent pas outragé.
La louange : Parce qu'elle est issue de gens désintéressés (morts), la louange sera sincère, pure de toute flagornerie intéressée.
Se façonner : se modeler en le prenant pour modèle comme on prend pour modèle ses parents biologiques lorsqu'on les admire ou des parents qu'on se choisit dans l'histoire: par exemple Pierre et Marie Curie.