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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

  • Sénèque : (4 av. J-C à 65 après J-C)
     

    Sénèque: sur La brièveté de la vie - sur La vie heureuse
    Sénèque: De brevitate vitae - De vita beata

Comment suivre le divin. Deuxième précepte: pratique: être inébranlable, suivre l'exemple divin pour offrir l'image du divin

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Le vrai bonheur ou la vraie félicité? Il ne peut y avoir de faux bonheur. Cet état de satisfaction durable appartient au dieu, vivant bienheureux et immortel. Le texte latin parle en conséquence d'une félicité vraie (felicitas) pour la distinguer de l'illusion d'être heureux, de cette "felicitas" que Sénèque a souvent dénoncée.
Dire que "la vraie félicité est établie par la vertu" (traduction Pellegrin, G/F Flammarion n° 1244) ce n'est donc pas dire qu'elle est déductible de la vertu car si la parfaite vertu suffit à rendre un dieu heureux, elle ne suffit pas à rendre heureux un homme mortel attaché à un corps. C'est dire qu'elle a pour fondement, pour condition nécessaire la vertu tout en laissant la place à des conditions qui paraissent comme autant de "préférables" à d'autres conditions: par exemple, une honnête fortune vaut mieux que la misère dans la mesure où la première permet l'exercice de la vertu dans le loisir ou dans des libéralités profitables à autrui.

Être inébranlable. Ne pas se laisser décontenancer, transformer, enchaîner par la fortune, par la bonne heure ou la mauvaise heure, par ce qui arrive que ce soit une chance ou un malheur. Être indifférent à ce sur quoi nous n'avons pas de prise comme si cela ne nous concernait pas. Avoir l'esprit de pauvreté: par exemple, je trouve un cheval, je le chevauche sachant qu'il peut m'être enlevé à chaque instant: cela revient à ne pas s'attacher à l'avoir , à ne pas être ébranlé par la bonne fortune ou par ses revers, à l'image d'un dieu que rien ne saurait troubler. Vis riche, dans l'esprit de pauvreté.

Offrir l'image du divin. C'est de la vertu parfaite et divine que la vraie félicité est déductible: le divin est donc le modèle: la vie du sage ressemble à une peinture du modèle, à une image, à un reflet. Pour exemple le dieu seul suffit, mais dans la réalité d'un être raisonnable sensiblement affecté, la déductibilité reste théorique comme un horizon. Être l'image ce n'est pas être le modèle. Il s'agit non d'un bonheur divin parfait mais simplement d'une vie la plus heureuse possible (felicitas) au cours d'une marche vers un accroissement de liberté. Mais "être comme libre" ce n'est pas encore être pleinement libre. L'image n'est pas le modèle mais simplement un reflet. De même suivre le divin ce n'est pas être divin mais, dans une certaine mesure, participer à la divinité.

Un problème que Sénèque ne veut pas se poser  (et pour cause...) mais que le lecteur ne manquera pas de se poser en admirant l'habilité et la rigueur de Sénèque qui prépare les dernières ligne du XVI: comment cette fortune qui permet le plaisir des sens sera-t-elle dans la juste mesure pour rendre possible le loisir et les libéralités sans pour cela aliéner le possesseur, le rendre dépendant de ses bienfaiteurs (Néron!) ou des biens accumulés et lui faire perdre cette participation à la liberté nécessaire à l'exercice du loisir et de la vertu? Sénèque n'est-il pas mort pour n'avoir pas résolu ce problème?
Il reste que, par son intelligence du mouvement qui anime le XVI la traduction de Pelleggrin,  G/F Flammarion n° 1244, page 71, semble bien préférable aux autres traductions qui écrasent le "felicitas" et par là la compréhension de la suite du texte.

(On pourra se reporter à ce qu'écrit Platon, à la fin du Livre VI de La République sur l'image ou au commentaire incontournable de Monique Dixsaut).