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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Comprendre Le Clézio.  Savoir attendre: la sentinelle du bonheur. (pages 12 et 13)

(Perspectives par Joseph Llapasset)

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"Je grimpe sur les maîtresses branches pour voir la mer ... La lune glisse vers l'autre bout du ciel."

Pourquoi "quand la lune est pleine" : parce qu'il s'agit de mieux apercevoir, des branches maîtresses de l'arbre, "la tache qui scintille" sous les "éclats de lumière" jetés par la lune. Comme une vague ou un bateau, la lune "roule" sur la mer des nuages. Elle disparaît pour réapparaître un peu comme la passion et le bonheur qui l'accompagne succède à la souffrance de la solitude, de la discontinuité.
Il y a une grande sympathie de chaque Élément avec le tout. ("vibrer" à l'unisson, au pays qui te ressemble comme en témoigne les miroirs profonds).
"Je me glisse": remarquons la parfaite maîtrise de soi, ce je Peux triomphal qui anime le corps propre, le corps vivant, ce consentement de tout l'être, cette résolution qui résume une plénitude de l'ordre du sentiment comme un savoir primordial. "Glisser", ici, c'est se déplacer d'un mouvement continu, se "couler" dans lequel s'exprime l'accord d'un je peux et d'un je veux, l'harmonie heureuse d'un corps vivant, d'une nature et d'une liberté, harmonie vécue, plus que connue dans l'extériorité d'une regard transcendantal. C'est ce même accord du je peux et du je veux dans leur négation qui permet de savoir rester sur l'arbre, en dépit de la solitude, du froid, du vent, de la fatigue. "Je ne veux pas retourner" ... "Je ne peux pas retourner"... A l'entêtement de la mer correspond l'attente inlassable d'Alexis. Ne voit-on pas déjà apparaître que c'est dans la recherche même, dans cette liberté qui maîtrise la fatigue, que se trouve le bonheur.

Serait-ce que, dans la passion, dans l'épreuve de soi, se trouverait le bonheur? Dans la souffrance qui est joie? Joie de s'éprouver soi même, joie de se diriger soi même qu'éprouve la jeune sentinelle "Debout devant un gouffre"?
Attendre pour entendre, pour entendre au sens de comprendre. Dès lors entendre suffit parce que ce que l'ont voit n'apparaît que grâce à la pensée: le mouvement dans son déploiement dans lequel l'avenir va au passé en passant par le présent, ce que seule une pensée peut saisir: il s'agit bien de prendre ensemble, de comprendre. Percevoir, apercevoir n'existeraient sans la médiation de l'esprit et c'est pour cela qu'Alexis remarque: "...Dans ma tête je l'entends mieux".
Qu'est-ce qu'il entend? Qu'est-ce qu'il voit?
Un grondement c'est à dire un son menaçant émis par un animal contrarié. Ce grondement qui jaillit d'un être divisé par les récifs: ce qu'il entend,effectivement, lui permet de mieux voir que les vagues sont divisées par les récifs et de comprendre l'origine du grondement, ou ce qui le motive.

Ainsi ce qu'il entend, il le comprend, de même qu'il comprend ce qu'il voit: les vagues s'unissent pour déferler sur le rivage dans un mouvement de puissance heureuse et de continuité qui se substitue à la discontinuité qui, elle, était subie, comme si ce qu'il voit  si bien n'était qu'une figure du bonheur, du fabuleux bonheur éprouvé dans le matin d'une passion, ce sentiment d'une continuité enfin trouvée et qu'il faut maintenir quitte à recommencer sans cesse.

"On sait qu'on doit rester, qu'on va enfin savoir quelque chose."
Noter le passage du je au on doit, car il n'y a de devoir qu'universel. Ainsi le je veux, le je peux, sont couronnés par le on doit. La sentinelle sait bien son devoir. Elle doit guetter, rester, re-garder c'est à dire prendre la garde: elle veille pour "enfin savoir quelque chose". 
Mais quelque chose qui sera vraiment utile, qui importe vraiment, bien au delà de l'avoir et du simplement utile. 
Si Alexis le Conquérant retourne juste avant l'aube c'est que l'aube marque la fin de la veille.