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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Comprendre Le Clézio.  Ouverture. Une finalité circulaire. (Folio, pages 11 à 13)

(Perspectives par Joseph Llapasset)

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Une finalité circulaire pour que la recherche du bonheur soit aussi bonheur éprouvé, comme bercement du bateau entre le milieu familial et la mer, avant son arrachement et son essor vers le grand large.

La recherche du bonheur est un mouvement d'expansion, non pas un mouvement de fuite en avant pour chercher un de ces "plaisirs-en-mouvement" qui disparaît dès qu'on l'a atteint et creuse un peu plus une soif inextinguible , à l'infini, mais pour rechercher une joie éprouvée comme sentiment d'existence, déploiement de l'amour qui suffit au bonheur.
Dans cette finalité circulaire ponctuée par le retour du même, Alexis, le conquérant, se meut dans ce qui le berce entre des promenades nocturnes et diurnes, entre la famille et la nature, dans des escapades au cours desquelles il quitte ses racines pour les retrouver non sans avoir rencontré ce qui le sollicite à des ruptures d'autant plus fabuleuses que l'imagination donne des ailes à ses rêves, comme dans ces jeux où l'enfance se plaît à répéter scrupuleusement des protocoles qui, en encadrant l'exercice de sa liberté, de son désir, le rassurent.
Comme le bercement d'un bateau encore au port, la recherche du bonheur recommence sans  cesse dans un flux et un reflux au cours duquel il s'agit "d'arracher tout ce qui existe au présent et qui s'enfuit et de le dénommer à jamais." L'Extase matérielle, Folio, Essais, page 194.

C'est que le maintenant ne fuit que pour faire place à un autre maintenant, ce qui offre l'occasion de recommencer ces promenades qui reviennent au point de départ et ces rendez-vous avec le gouffre et la mer qui ne peuvent être manqués parce qu'ils sont fixés sur l'ordre du monde. Que le bonheur soit offert comme possibilité à qui le recherche dans le flux de ces "maintenant", qu'ils soit offert à la parole et au chant qui sauvent la nature en lui donnant cet achèvement auquel elle aspire, en lui permettant d'aboutir à elle même, cela ne signifie-t-il pas que l'être appelle une reprise pour exister pleinement et qu'il appartient à l'homme de donner cette reprise pour exister pleinement? Que cette reprise soit création et joie de la création, qu'elle illumine la recherche du bonheur d'une espérance telle que jaillit dans la recherche même , le bonheur d'exister, comment en douter?

En sauvant la nature, en donnant l'existence à ce qui aspire à l'existence, l'homme se sauve en existant pleinement: c'est ainsi que le bonheur est atteint par et dans la recherche même: par le don de l'existence, la recherche du bonheur élève l'homme au rang d'un vivant bienheureux parce que son bonheur ne dépend que de lui, est au fond de soi, pour ainsi dire. Mais comment nier que dans la parole et dans le chant  d'Alexis le conquérant passe aussi un accent d'éternité, une certitude de nous atteindre par le présent de narration?