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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

Comprendre Le Clézio.   

Forest Side (Folio, pages 103 à 119) : Quand la vraie vie n'existe pas, on rêve de liberté!

(Perspectives par Joseph Llapasset sur Le chercheur d'or)

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Plusieurs années, mais une vingtaine de pages à peine. Du malheur, il n'y a pas grand chose à raconter, sinon les rêves, le fol espoir qui maudit le présent. Comme si on était dans un cercle, dans la monotonie, en enfer.
D'ailleurs le présent du bonheur ou de la recherche du bonheur a disparu: c'est le temps du malheur qui s'étire à l'imparfait, constate au passé composé, avec quelques ruptures soulignées  par le passé simple: mais quelle rupture! "Notre père mourut" (page 112). "Ce fut la place que mon père avait occupée" (page 113).

Si la vie n'existe pas loin de la mer, il s'agit bien de fuir le présent dans l'évocation de l'Eden perdu avec Laure et surtout dans le rêve des conquêtes futures ,avec le Corsaire. C'est à la fin du chapitre, le Capitaine Bradmer qui fait ressurgir le présent et replonge Alexis dans la recherche du bonheur, comme un Dieu qui donne sa grâce: "Quand partons-nous?" (Folio, page 118). Le voilà relancé dans la quête d'un trésor sans fin.

C'est parce que la quête est sans fin, c'est à ce prix que la recherche du bonheur sera du même coup bonheur éprouvé durablement: dignité d'une fin en soi. Projetons-nous à la page 373: "Sur la plage noire, je marche ... et je n'ai plus rien." Plus rien que ma liberté et, ma seule dignité. Bonheur d'être libre, la tête haute, dans la dignité de celui qui n'attend ni remerciements  ni récompenses parce qu'il n'a que faire de l'avoir qui aliène: "La mer où on est libre" lui suffira.

Cependant cette vingtaine de pages qui résume, comme à la hâte, le malheur, nous en apprend  beaucoup sur les conditions de la recherche du bonheur: cette bonne heure dépend certes de la détermination d'Alexis à rompre les amarres mais aussi des circonstances du hasard d'une rencontre ou si l'on préfère d'une grâce divine. C'est parce qu'il dépend des circonstances que le bonheur est souvent regardé comme une chance, comme un effet du hasard: de fait, la mort de son père et la pauvreté l'obligent à prendre la place qu'occupait le défunt et ... le lieu de son travail, au bord de la mer, le plonge dans un port où frémissent les navires comma autant d'invitation au rêve puis au voyage.

Mais le hasard ne favorise que ceux qui se sont préparés, qui ont rêvé et c'est précisément ce qu'Alexis a "fait" dans son collège par ses lectures et dans la pauvre demeure de Forest Side, au cours de conversations enflammées avec son père et avec sa soeur Laure. 

Le déplacement quotidien vers le port Rempart Street ouvre les portes de sa liberté, sa conscience n'est plus occupée que par la besogne à accomplir ( le devoir) et la mer ( la liberté). "Mais il y avait les bateaux" (page 114), sonne comme un cri et un rappel à sa vocation. Heureux, il l'est déjà. Rien qu'à voir un bateau s'éloigner vers le large! (page116).
"Alors j'ai eu le sentiment de rompre les liens qui m'unissaient à Laure et à Mam" (page 113). Tout est dit. Il faut saisir la chance , être un voyageur sans bagages (impedimenta).
Le bateau doit bien d'une manière ou d'une autre rompre les amarres sous peine de pourrir dans le port, dans la fournaise, dans l'aliénation au simplement utile qui permet d'aller chaque jour au restaurant, oui, mais pas de savourer sa liberté en dégustant, parfois, une orange du Cap, "Assis sur un muret à l'ombre d'un arbre en regardant les paysannes indiennes revenir du marché" (page 114).

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