Je
regarde. La vieille maison, revêtue d'un habit de
lumière, auréolée par le soleil, prend toute sa dimension (grande)
et se trouve parée d'une couleur inoubliable qui accompagne
encore le narrateur jusque dans son "aujourd'hui" d'où
il raconte le paradis des amours enfantines et le sauve de la
disparition.
Autre rémanence pour Alexis, cette fois, l'impression de
chaleur par ses pieds (terre) et par
son visage (fournaise), de haut en bas qu'il a
ressenti dans la première scène.
Je secoue. Premier rite purificateur
qui débarrasse ses vêtements des souillures de la terre et de
la fournaise (noter "recouvrent"
qui marque l'étendue de la souillure)
Quand j'approche: il entend avec piété
la voix douce de sa mère qui, en transmettant
les paroles qui s'élèvent vers Dieu, apprend et fait réciter
des prières à Laure. Ce sont les deux femmes qu'il aime et en
les entendant, il voit la confiance et l'amour
qui unit sa mère et sa soeur.
Quelle douceur que de les entendre! A les entendre il voit
clairement, il comprend: ici, pas d'ambiguïté ou de réticences!
Les larmes qui glissent alors des yeux de
l'enfant sont bien différentes de celles qui tombaient devant
l'agitation et la fournaise, les cris et les chuchotements: ce
sont des larmes de soulagement et de joie, devant les coeurs
purs.
Pieds nus, en toute confiance, comme
un bienheureux immortel: il est libre Alex.
Je vais, je puise ... Comme il prend
son temps, comme il s'applique à purifier son corps en suivant
un ordre intelligent (d'abord les mains): du même coup il
retrouve la fraîcheur.
A
la surface. Passage très important pour comprendre Le Clézio.
Émerveillement de l'enfant, du narrateur, de l'auteur
créateur, devant les choses mêmes avec le parti pris des
choses, avec ce respect devant ce qui semble insignifiant qui
animait Francis Ponge, comme si l'insignifiant était la porte
du mystère. Quel bonheur extraordinaire de regarder ce qui
apparaît dans l'ordinaire, de "jouer le jeu de
l'être" avec ce qu'il y a de plus humble
(=> Ponge,
La bougie), comme si cette humilité se
mettait à parler. Le sens est donné dans le bonheur d'une
contemplation pour ainsi dire portée par le monde. Là
est l'enlacement, source du bonheur. C'est là qu'il faut le
chercher: que ce soit sur la mer, que ce soit à
Rodriguez ...
Entendre le bruit doux des oiseaux, sentir l'odeur de la fumée,
"voir" l'arrivée de la nuit
dans sa tête. C'est l'heure où Alexis se transforme en
sentinelle, il va au grand arbre du bien et du mal pour
attendre... Attendre quoi? Mais une révélation: le Sens.
Le
Sens, ce n'est pas l'éternel, ce n'est pas l'avoir,
vers quoi tout cela semble pointer ... puisque tout va disparaître:
sous les coups de l'oncle, de la banqueroute, et même de la
nature (l'ouragan). Le Sens n'a-t-il pas été donné par la
femme indienne? Dignité, liberté, refus de s'engluer dans
l'avoir d'un remerciement ou d'une récompense et par dessus
tout la marche: s'en aller pour revenir?
Homme libre toujours tu chériras la mer. (=>
Baudelaire) |