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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

La voie studieuse des cours.  Du bonheur.

La voie positive nous oriente vers la réalité du bonheur. (page 4)

  • Le chercheur d’or (Jean Marie Le Clézio) 
    La vie heureuse suivie de La brièveté de la vie (Sénèque) - (Traduction de François Rosso - Editions Arléa).
    Oncle Vania (Anton Tchékhov) (Traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan - Editions Actes Sud Babel).

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La voie positive. A la recherche de quelque chose ...

Pour chercher et, à plus forte raison pour rechercher le bonheur, il faut bien savoir quelque chose de ce que l'on cherche, pour nous orienter, pour dire: ce n'est pas ça; et ce quelque chose peut être une image comme forme sensible d'une idée, un concept comme ce avec quoi le sensible est capturé, défini, une idée ou au moins une certaine expérience. 
Sans cela, comment le chercher? Que pouvons-nous poser du bonheur?

=> Or nous n'avons ni une image du bonheur, ni un concept. Certes, nous croyons rencontrer le bonheur, comme une bonne heure, une chance, lorsque le hasard semble nous favoriser et nous permettre de posséder quelque chose qu'il nous présente. Le bonheur, nous croyons le voir en face de nous, au bout de notre regard, dans l'extériorité comme on voit un objet dont on a une image, alors qu'en réalité nous ne rencontrons que l'objet d'un désir qui nous pousse à croire que les circonstances nous favorisent alors que c'est nous qui valorisons l'objet rencontré, qui le faisons se refléter en nous comme simple image d'un objet susceptible de nous procurer le bonheur: de l'or, de l'argent, un corps charmant dont la grâce semble se mouvoir vers nous alors même qu'il reste immobile. 
Dans La princesse de Clèves de Madame de Lafayette, le Prince de Clèves voit la très jeune et très jolie Mademoiselle de Chartres chez un joaillier et il a la certitude que ce qu'il voit ne peut que lui procurer le bonheur au point de le confondre avec le bonheur: le plaisir, (la nature), dans le mariage, ( le devoir), désir et raison pleinement réconciliés comme si le feu pouvait animer l'eau! Mais quelles que soient le charme de la jeune fille et ses qualités, sa valeur morale, elles ne sauraient être représentées comme image du bonheur dans le regard du Prince. 
D'abord, parce que les qualités morales ne voient pas, ensuite parce que le bonheur est inaccessible au regard d'autrui.

=> Cet état de satisfaction ne peut être que de l'ordre du sentiment, de l'intériorité, d'une subjectivité, il ne peut être confondu avec un objet placé dans l'extériorité susceptible d'être la source d'une image, "au bout" d'un regard intentionnel. Le plaisir de monsieur de Clèves ne sera jamais un plaisir partagé et cela suffira à provoquer son malheur même s'il obtient et possède la main de la jeune fille: quelle que soit par ailleurs l'estime que lui porte son épouse, peut-être en raison de cette estime qui la rend encore plus désirable comme ces êtres de fuite que nous aimons parce qu'ils sont toujours ailleurs dans leur royale liberté qui ne les quitte jamais, et qui ne quitte jamais la jeune princesse jusques dans l'exécution du devoir conjugal, au désespoir de son mari.
A quoi servent dès lors ces images miroitantes d'or et d'argent sinon à nous leurrer, nous égarer, nous peindre un impossible repos, l'arrêt de notre marche dans l'avoir alors que la liberté exige toujours de s'en aller: s'en aller, cette "parole de vivant" dont parle
Saint-John Perse, dans Exil.

=> Relisons les dernières pages de "Le chercheur d'or", (le Corsaire a détruit lui même ce qu'il a créé avant que cela ne l'englue). "Le Corsaire a tout détruit, tout jeté à la mer ... pour être enfin libre." et le narrateur d'ajouter: "Sur la plage noire je marche ... et je n'ai plus rien." (page 379). 
En brûlant "les pages du trésor" ne vient-il pas de se libérer des images de ce qui l'aliénait?

Parce que nous n'avons pas d'image du bonheur, parce que ce que nous croyons être des images du bonheur ne sont que des leurres, nous savons maintenant que le bonheur ne peut être dans l'avoir d'un objet fût-ce de l'or. Ce qui revient à dire que le bonheur ne se rencontre pas et que la bonne heure c'est peut être celle où nous comprenons une fois pour toutes qu'il n'est pas au bout d'un trou de lumière quelle que soit sa splendeur, mais qu'il est dans la liberté c'est à dire dans la dignité au fondement de la conscience de soi.
N'ayant pas d'image du bonheur nous ne pouvons en avoir un concept: sans intuition sensible, un concept est aveugle ce qui signifie que nous ne pouvons ni le rencontrer, ni le déterminer.