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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

La voie studieuse des cours.  Du bonheur.

Pourquoi la voie négative, lutter contre le malheur, ne suffit pas.  (page 3)

  • Le chercheur d’or (Jean Marie Le Clézio) 
    La vie heureuse suivie de La brièveté de la vie (Sénèque) - (Traduction de François Rosso - Editions Arléa).
    Oncle Vania (Anton Tchékhov) (Traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan - Editions Actes Sud Babel).

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=> Nous appelons souvent recherche du bonheur ce qui n'est que la fuite de nous même ou de notre condition, ce qui a pour effet de nous enfermer dans le désespoir de celui qui essaie d'échapper à lui-même  alors qu'il s'accompagne partout où il va, avec, pour accroître notre malheur, l'imagination d'une sorte d'anti-monde idéal où nous posons "simplement" le contraire de ce qui nous fait souffrir. Par exemple, Baudelaire y dépose pieusement la fidélité, la fusion amoureuse, le luxe, la volupté qui ne seraient pas suivie de tristesse; grâce à des miroirs profonds aucune différence pour le heurter.  C'est la meilleur manière de se rendre encore plus malheureux puisqu'un contraire éclaire l'autre, l'espoir du ciel pouvant désespérer le présent vécu!

=> Une telle recherche du bonheur qui se contente d'un effort pour échapper au malheur implique en réalité une alternative et l'absence d'un troisième terme: ou bien le malheur, ou bien le bonheur: faisons disparaître le malheur, le bonheur apparaîtra.

Un troisième terme suffit pour que tout s'écroule en faisant disparaître l'alternative:
j'ai tout et je m'ennuie ... (=> Huxley, Le meilleur des mondes). En ce sens, on a pu aller jusqu'à dire qu'on devait s'ennuyer au paradis avec des gens ennuyeux parce que,  ennuyés.
Voilà pourquoi les personnages de Tchékhov -qui ne meurent pas de faim...- sont étouffés, désespérés. Le "Nous nous reposerons" qui termine la pièce dans l'enfer du retour à l'ordre du monde, au tricot que l'on fait la nuit pour qu'il soit défait le matin, peut très bien signifier la paix des cimetières, le repos éternel de la mort, le triomphe de la destruction sur la création (après tout, on crève de froid en Russie, on crève de chaleur en Afrique, cet ordre du monde est un désordre qui ronge la possibilité même d'entrer en relation).
En fuyant le malheur, on ne découvre pas ce qu'est le bonheur: bien plus, on éprouve la tentation du repliement sur soi et du refus de l'amour.

=> On ne sait même pas ce que serait l'absence du malheur. Car l'absence du malheur extérieur n'est que provisoire et  l'absence du malheur dû à l'intériorité ne peut se vivre: toute existence relève en effet, d'abord, de l'ici et du maintenant, de l'espace et du temps ce qui l'empêche, en dépit des beaux discours de se couper de l'ordre du monde. Les grecs disaient: supporte et tais-toi, ce qui ne ressemble pas au bonheur mais plutôt à la résignation. Mais la résignation n'est-elle pas la marque de la continuité du malheur?

Étant désir, la subjectivité existentielle ne peut se couper d'autrui et de ses caprices, ce qui faisait tellement souffrir Baudelaire. Si elle peut résister à l'action exigée par tel ou tel désir, par exemple de prendre de force ce qu'on ne veut pas lui donner, elle ne peut pas faire que le désir ne l'habite pas, et que le sacrifice qu'exige la maîtrise de soi, la liberté, ne lui coûte pas. N'étant pas maître de son désir (il jaillit sans qu'on l'ait voulu) ni du désir d'autrui, comment la subjectivité pourrait-elle échapper aux ennuis et à la menace des ennuis chaque fois qu'elle tient un objet fini de son désir alors que son désir est habité par l'infini?