Imaginons
que Le chercheur d'or de Le Clézio ait trouvé le trésor
espéré. Il va pouvoir se débarrasser
d'un certain nombre de malheurs (pas de tous! , si l'amour
partagé ne s'achète pas) mais, ce n'est pas pour cela que le
bonheur apparaîtra à la place de ce qu'il vivait. Cela ne
signifie-t-il pas qu'on peut tout avoir sans avoir pour cela ce
que l'on recherche? Comme on disait: A beaucoup de richesses,
beaucoup de soucis...
=>
Peut-on
rechercher ce qu'on ne connaît pas? Peut-on rechercher en
tournant le dos à ce que l'on déclare rechercher?
Par exemple, avec Sénèque, affirmer que la vertu c'est le
bonheur (et bien davantage... ) et ne pas renoncer à la course
aux plaisirs, au pouvoir, à la richesse?
Peut-on rechercher en tournant le dos à ce que l'on déclare
rechercher?
=>
Si
connaître signifie vivre, avoir l'expérience de, en un sens on
ne recherche que ce que l'on ne connaît pas, ce que l'on ne vit
pas: pas de recherche sans un désir, un manque éprouvé dans
le malheur. Ce qu 'éprouve en effet un être raisonnable
sensiblement affecté c'est un malheur ou la menace d'un malheur
dans la mesure où il se temporalise sans cesse, où il voit
venir et voit passer.
D'abord
il y a une menace extérieure d'un monde extérieur, d'un ordre
du monde qui est parfaitement indifférent à la
propre existence de l'homme. L'homme est perpétuellement menacé
par la nécessité de l'ordre du monde dans lequel il vit son
existence (un tremblement de terre, la chute d'un rocher...) et
par le hasard de rencontres entre des séries causales qui échappent
à ses efforts de prévisions et à sa volonté.
Disons
que l'ennui le menace sans cesse puisque
l'ennui est attaché à la "satisfaction" du désir:
le désir dépasse tout objet et se vit comme une soif
inextinguible. Les ennuis le menacent aussi,
tout ce qui contrarie ses désirs, l'amour non partagé par la
liberté d'autrui, la violence au quotidien, les guerres qui
l'envoient aux frontières ou qui viennent jusque dans sa maison
... En résumé tout ce qui ne dépend pas de lui et vient le
heurter, en provenance de l'extérieur.
=>
Du
point de vue de l'intériorité même, pour que
sa liberté émerge, un conflit se développe au coeur même de
sa conscience, entre sa conscience de la vie, sa nature qui désire,
et sa pensée qui en s'élevant à l'absolu le sollicite pour
qu'il suive le chemin de la liberté. L'antagonisme croît et sa
conscience ne peut, semble-t-il, être que malheureuse comme
s'il était non pas le lieu d'un affrontement mais
l'affrontement lui même de ce qui perpétuellement se fuit,
comme l'eau et le feu: le plaisir et le devoir
(=> Hegel). |