Comment
faire du temps destructeur un bien propre, comment le faire
sien? La réappropriation du temps dans Oncle Vania.
Dans
la pièce tout s'organise autour d'une opposition entre
la création et la destruction. C'est le temps qui détruit les
forêts, les hommes, les couples et les individus. C'est dans
une participation à la création qu'il serait possible de
lutter contre la destruction, de se réapproprier le temps pour
réussir son existence en recherchant le bonheur. Mais cela
exige la continuité et la foi en un idéal. Comme
Alexis
le Grand (Le
chercheur d'or),
rêver et avoir foi en son rêve!
Pour les personnages de Oncle Vania, on ne peut parler que
de tentatives de réappropriation avortées. Ces tentatives, au
point de départ, s'organisent comme des luttes contre la
destruction.
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Par la médecine pour réparer les corps (Astrov),
mais la mort est partout: elle accompagne les gestes du médecin!
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Par l'écologie pour entretenir ou restaurer la
nature. En fait, le processus de destruction reprend dès que
l'effort est interrompu.
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Par le travail, l'humble tâche quotidienne
pour attendre le bonheur comme on attend une récompense. Mais
le travail ne permet pas la réappropriation du temps dans la
mesure où il est aliénation: on attend le bonheur comme on
attend une récompense après la mort...
En réalité tous ces efforts se font dans une atmosphère de désespérance.
C'est particulièrement le cas d'Astrov qui refusant le passé,
le présent et l'avenir ne peut se réapproprier le temps et se
noie dans l'utopie.
Sérébréiakov, lui, dans l'espoir de retrouver une fausse
gloire passée en retrouvant la ville, maudit son présent et en
le perdant se perd.
Des
éclaircies cependant qui ne font que souligner le
tragique dérisoire dans lequel baigne la pièce.
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Sonia accepte bien le présent comme facteur de l'avenir.
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Elena allie la beauté et une pseudo vertu: pour elle, pour cet
être de fuite(?) , que de guerres rêvées par les héros! Ne
serait-elle pas un remède à l'ennui? Encore faudrait-il
qu'elle puisse être désirée dans une grande passion.
Mais elle est évanescente et dès lors ce qui semble offert
c'est un corps, pour la satisfaction d'un besoin et non pas une
aventure pour la poursuite d'un désir. Sa vertu qui pourrait
effectivement exacerber le désir n'est que de la peur (ce qui
fait retomber le désir!) et sa beauté, comme celle de la rose,
est sur le point de passer sous les coups destructeurs du temps.
La
réappropriation du temps est un rêve. Il suffirait d'y croire
et d'accrocher résolument son char à une étoile. Mais les
personnages de Tchékhov font le rêve sans y croire.
Fondamentalement ils doutent d'eux mêmes, ils subissent l'ordre
du monde comme un destin et pourtant le destin qui pèse sur eux
est volontairement tronqué par Tchékhov. Le drame c'est qu'ils
ne le savent pas. Ils écoutent donc tous les rappels à l'ordre
de l'univers que l'entourage leur adresse. La liberté, la
recherche du bonheur par la réappropriation du temps n'est pas
pour eux.
"Tout
rentrera dans l'ordre, comme chez les honnêtes gens ... ...
Ils partent sans bagages. C'est que leur destin n'était pas de
vivre ici ...
Nous allons supporter patiemment les épreuves que le destin
nous enverra ... " (Acte IV). |