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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

La recherche du bonheur

La recherche du bonheur et l'amour
-  De Sénèque, et de Le Clézio (page 1)

  • n Tchékhov) (Traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan - Editions Actes Sud Babel). 

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- "Le sage se contente de lui." Cité par Sénèque, Lettres à Lucilius, I, IX, 63.

- "Je prends la décision de tout abandonner, de tout jeter hors de moi ... Ouma m'a montré ce que je dois faire... en apparaissant devant moi comme un mirage parmi tous ces gens qui viennent travailler les terres qui ne seront jamais à eux." Le Clézio, Le chercheur d'or, Folio, page 348.

 Il faut comprendre que le sage se contente de lui pour vivre heureux, ce qui signifie que pour vivre il utilise bien entendu les moyens extérieurs comme les ustensiles ou encore son corps, ses mains ... Se contente signifie qu'il ne va pas demander son bonheur à un autre que lui: cela dépend de sa décision.

 C'est donc bien à Alexis de prendre la décision. Si Ouma s'est présentée comme un mirage, comme un être de fuite, c'est pour lui montrer que sa recherche d'un trésor ou sa recherche d'une possession n'était pas le bon chemin à suivre: 
l'objet de l'amour n'est pas de l'ordre de l'avoir et tout l'or du monde ne saurait l'acheter car une liberté ne se possède pas. Et si Ouma s'est présentée parmi les siens, si elle a pris pour toile de fond ces gens c'est parce que leur pauvreté est ce qu'ils ont de plus précieux si elle relève de l'humilité et de cette liberté qui ne s'attache pas, comme de cette dignité du travail. Ouma a donc montré le devoir, ce qu'il doit faire, pour réconcilier devoir, liberté et bonheur dans un royaume où la beauté de la terre féconde la beauté du ciel.

Celui qui recherche le bonheur ne peut demander des moyens à l'extérieur de lui (trésor, possession d'autrui): cela reviendrait à se mettre sous la dépendance des caprices de la fortune ou de la volonté d'autrui. D'ailleurs si bonheur et amour sont de l'ordre du sentiment, sont une partie de soi, comment demander au dehors une partie de soi au risque de faire peser sur les autres la charge insoutenable d'une demande dont le contentement ne dépend pas d'eux (par exemple, combler une solitude!). Ne serait-ce pas se décharger d'une décision (performative), d'une tâche à accomplir comme si elle pouvait être effectuée à notre place par autrui ou par un hasard si heureux soit-il.

La recherche du bonheur serait alors transformée en recherche du malheur, en nous déchargeant de ce qui nous incombe: la réalisation progressive de notre liberté par l'activation de notre existence spirituelle (on notera sur ce point précis la parfaite convergence de Sénèque et de Le Clézio).

D'ailleurs, en demandant au dehors une partie de soi, on s'engage dans l'échange, et une relation d'affaires. On parle du don de soi alors qu'on cherche en réalité un attachement réciproque alors qu'on se lie à ce qui ne dépend pas de nous, à la liberté d'autrui: ainsi se forme une passion honteuse qui nous asservit à l'action d'autrui.

 D'où un problème: Comment accepter sa solitude pour pouvoir aimer librement, en se contentant de soi sans perdre l'objet de l'amour et sans se perdre soi-même: comment aimer sans s'attacher, perdre sa liberté et se perdre?