=> Les
différents airs.
"Tous les
différents airs des personnes de différentes
conditions, ne sont que des suites naturelles de
l'estime que chacun a de soi même par rapport aux
autres, comme il est facile de la reconnaître si l'on y
fait un peu de réflexion. Ainsi
l'air de fierté et de brutalité, est l'air d'un homme
qui s'estime beaucoup et qui néglige assez l'estime des
autres. L'air modeste est l'air d'un homme qui s'estime
peu, et qui estime assez les autres. L'air grave est
l'air d'un homme qui s'estime beaucoup et qui désire
fort d'être estimé; et l'air simple, celui d'un homme
qui ne s'occupe guère de soi ni des autres. Ainsi
tous les différents airs qui sont presque infinis ne
sont que des effets que les différents degrés d'estime
que l'on a de soi et de ceux avec qui l'on converse,
produisent naturellement sur notre visage, et sur toutes
les parties extérieures de notre corps."
(Pocket,
page 117)
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=> Prêter
attention au mouvement du texte:
- D'abord ce que découvre un peu de réflexion: la liaison des
effets.
- Ensuite la séries des différents airs, fonctions du degré
d'estime de soi même et des autres.
- Enfin la simplicité d'une loi qui selon les occasions (ou
conditions), détermine nécessairement les effets.
La
loi, comme rapport invariable (lien constant) entre deux ou
plusieurs phénomènes, l'air, le degré d'estime: la loi
s'applique à certaines occasions pour déterminer nécessairement
les effets.
-
Les airs sont des effets => Ce
qui s'ensuit des degrés d'estime de soi et des autres, ce qui
succède => produisent;
sont la condition d'apparition; font apparaître de manière
naturelle, selon un mécanisme naturel qui ne doit rien aux
"facultés" de l'homme =>
airs, comme modification du visage et des parties du corps.
Différents
airs / différentes conditions.
Malebranche a déjà insisté sur l'importance des conditions:
si les airs diffèrent c'est en fonction des conditions
particulières de chacun. Par exemple s'il habite dans un château
ou s'il fréquente la cour du Roi. Dans la mesure où chaque
personne "juge des choses par rapport à sa condition"
(page 104), on comprend que cela influence le jugement qu'il
porte sur soi et le jugement qu'il porte sue les autres. La
condition désigne par exemple l'emploi occupé. (page 104)
Suites
naturelles:
ce qui est lié, ce qui découle de, ce qui s'ensuit de, ce qui
succède à l'estime de soi et d'autrui qui sont des jugements.
Dans cette succession, la volonté n'intervient pas. Cela se
passe en l'homme, sans l'homme. Voilà pourquoi les suites sont naturelles
de l'ordre de ce qui s'enchaîne par un mécanisme, une suite
d'effets liés en fonction d'une loi.
L'estime que
chacun a de soi même:
c'est la bonne opinion que l'on a de soi même en fonction de la
fierté, de l'amour propre, de l'orgueil qui sont autant de manière
de se poser devant autrui en le dévalorisant ou en le
valorisant. Dans tous les cas c'est bien une manière de se
situer par rapport à autrui, souvent en fonction de la considération
que l'on désire obtenir . (Pocket page 127)
Un peu de réflexion:
pour peu qu'on ait recours à l'esprit d'examen sur la diversité
des airs et les conditions de ceux qui les expriment, on devra
bien reconnaître: le terme signifie ici,
s'avouer à soi même, admettre à l'encontre de l'opinion qu'on
avait, non sans quelques difficultés par rapport à la morale
chrétienne. On reconnaît ses fautes, ses erreurs. On s'éveille
pour ainsi dire.
Malebranche
prend les termes extrême d'une série: la fierté et la
modestie.
L'air de fierté
et de brutalité:
celui qui s'estime beaucoup exprime une certaine dureté dans
ses rapports avec les autres et néglige assez
l'estime des autres. Assez, signifie, de manière mesurée, sans
excès. En effet son air exige une certaine reconnaissance des
autres, mais celui qui présente l'air de fierté,ayant
conscience de sa supériorité,croit mériter cette estime des
autres et ne veut donc rien donner en échange.
L'air modeste:
notez peu et assez. Appréciez les nuances: peu
diffère de pas du tout car l'humilité est vérité et assez
signifie pas trop. Nous sommes dans la mesure.
L'air grave:
là encore il s'agit d'un homme qui s'estime beaucoup mais à la
différence de l'air fier, cet donne désire être estimé et ne
néglige pas du tout l'estime des autres. Il a l'air grave et le
regard dans le lointain d'un gourou. Cela figure le mystère, la
profondeur et suggère qu'il y a bien des richesses cachées à
découvrir dans la fréquentation d'un homme qui a l'air grave.
Une certaine réserve, un refus de l'exubérance ne laisse
que mieux deviner sa dignité.
Enfin l'air grave signifie aussi quelqu'un qui fait attention,
qui respecte et donc qui prend en considération les autres dont
il désire l'estime, ce qui est une certaine manière de les
valoriser, même si c'est c'est en leur jetant de la poudre aux
yeux, en sollicitant leur imagination.
L'air simple:
sans fierté, sans prétention, sans apparat; franc, droit,
direct: qui se prend et prend les autres comme ils sont: il
accepte donc le donné et s'en contente. En conséquence il
n'occupe pas son temps à prendre soin de lui ou des autres.
Ainsi:
prendre garde à la simplicité de la loi. Elle est présentée
comme la conclusion des deux premières parties: c'est une loi
dont la simplicité donne la règle de composition de tous les
différents airs.
=> L'air
est un effet: d'une part des degrés de l'estime qu'on
se porte à soi même et de celle qu'on porte à ceux avec qui
l'on parle. Malebranche insiste: ce effet se produit naturellement
comme expression du visage et de tout le corps. La
cause occasionnelle n'est autre qu'un élément d'une machine.
La machine suffit.
Toute cause naturelle étant elle même effet, il faut détruire
le concept de cause naturelle en la dépouillant de toute idée
de création. Les causes naturelles ne sont rien d'autres que
des effets liés à d'autres effets par des lois de la nature.
Dans la nature il ne peut y avoir de causes productives, et ce
que nous appelons causes n'est en réalité qu'une ou plusieurs
conditions nécessaires à l'apparition d'un effet.
> Les
puissances de l'imagination
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