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« Puissances de l'imagination »

(voie d'accès choisie: le pouvoir de l'imaginaire - Perspectives par Joseph Llapasset)

Classes prépas, programme des prépas scientifiques

Malebranche, La recherche de la vérité

(Livre second, troisième partie, chap.IV, page 155)

La force de l'imagination : Question de vivacité (suite)

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=> Il faut donc, selon Malebranche, chercher l'origine de la force de l'imagination, de son impact, de sa contagion, dans une force exercée sur l'âme par l'intermédiaire du sensible.
Parce qu'elle anime le discours, l'imagination parle aux sens de l'ouïe et de la vue: elle anime ce que dit l'orateur, elle impressionne, séduit et produit chez celui qui voit et entend une croyance: ce que je ressens est une propriété essentielle du discours que j'entends. Celui qui confond alors le sensible et l'intelligible se noie dans l'opinion, la confusion et la fausseté. Celui qui parle si vivement, tel un professeur enflammé, ne sait toujours pas ce qu'il dit, persuade l'auditoire sans que l'auditoire sache de quoi il est persuadé et produit donc une croyance sans contenu: puisqu'il ne savait pas ce qu'il disait, comment pourrait-il en être autrement s'il n'avait rien à dire d'esprit à esprit?

Normalement, l'imagination n'offusque pas la distinction entre l'absence et la présence puisqu'elle présente l'objet comme absent: la vivacité est moindre que dans la sensation, cela l'amène à croire que l'objet est absent de l'extériorité et intérieur à sa pensée.
Mais, dans certains cas, la vivacité de l'influx est si intense que l'imagination peut croire que les objets qu'elle imagine sont présents devant elle et perdre le bon sens qui devrait lui permettre de distinguer l'absence la présence, qui lui permettrait de dominer ses rêveries en portant sur elles un regard extérieur qui les réduit à l'intériorité d'une pensée, au sens large du terme. C'est bien ce qui arrive à Don Quichotte qui croit voir et rencontrer les objets de ses rêveries. C'est bien ce qui arrive à Swann et qui fonde ses illusions: ils sentent ce qu'ils devraient imaginer, c'est à dire juger et apercevoir comme absent, comme différent de la réalité présente.

Si on admet que sensation et imagination ne diffèrent que du plus et du moins, on admettra aisément que la force de l'imagination tient à ce pouvoir d'imiter la sensation: dans la passion, comme dans la fièvre, l'agitation des esprits animaux atteindrait le degré qu'ils ont dans la sensation ce qui fait que les passionnés sentent ce qu'ils devraient imaginer, et finissent par souffrir leurs propres mensonges.
Ainsi l'imagination finit par obscurcir l'esprit d'examen et la distinction entre le mensonge et la réalité:
"Peut-être aussi, à force de dire qu'elle serait malade, y avait-il des moments où elle ne se rappelait plus que c'était un mensonge et prenait une âme de malade." dit le narrateur de madame Verdurin (Proust, Un amour de Swann, page 207).

=> Ce qui est absent nous semble présent, ce qui est intérieur semble extérieur, la puissance de l'imagination tient à sa possibilité de va et vient. Un être charmé et fasciné croît à la présence de ce qu'il imagine, son attention est captivée, capturée avec la même force que s'il était  sollicité par ses sens

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