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« Puissances de l'imagination »

(voie d'accès choisie: le pouvoir de l'imaginaire - Perspectives par Joseph Llapasset)

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Malebranche, La recherche de la vérité

(Livre second, troisième partie, chap.IV, page 155)

La force de l'imagination : Question de vivacité

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=> De l'absence à la présence.

"Ce que l'âme aperçoit par les sens la touche et l'applique extrêmement, ce que l'âme connaît par l'image la touche beaucoup moins. Ce que l'âme intellige par elle même ne la réveille presque pas."

=> Cette suite d'affirmation nous donne une clé de la théorie sur l'imagination de Malebranche.
Tout tient à une différence de degré ou de vivacité entre sentir et imaginer et non à une différence de nature. Si l'âme pense que ce qu'elle imagine n'est pas présentement au dehors, mais simplement dans sa pensée c'est que les filets nerveux sont seuls à être ébranlés modérément, selon le degré d'agitation des nerfs qui accroissent ou diminuent chaleur du mouvement du sang et par là force du flux des esprits animaux. Imaginer revient alors pour l'âme à apercevoir l'image d'un objet considéré comme absent. Si l'agitation est extérieure, elle communique au cerveau une impression: alors l'âme sent que ce qu'elle saisit est au dehors; elle aperçoit un objet comme présent.

On comprend comment Malebranche expliquerait les hallucinations de Don Quichotte: elles tiennent à la vivacité de son imagination qui lui fait croire qu'il voit devant ses yeux des objets qui ne sont que dans son imagination: comprenons que l'image de l'objet agite les esprits animaux de Don Quichotte avec autant de force que ne le font des objets extérieurs: c'est ainsi qu'il voit un nain, aux créneaux d'un château qui est là pour l'accueillir.

=> pourquoi préférons-nous spontanément la présence à l'absence?
Tout ce qui passe par les sens, agit sur le corps, a un caractère de vivacité qui tient à la force exercée sur l'âme par l'intermédiaire du corps et singulièrement par la glande pinéale que Malebranche reprend à Descartes. L'âme subit, souffre, pâtit par le mouvement des esprits animaux, mouvement qui peut être accéléré au point que l'âme est touchée, au sens propre et au sens figuré, de telle manière que son attention se porte mécaniquement sur, s'applique à ce qu'elle voit, entend. Comme nous ne pouvons douter de la vivacité d'une impression sensible, de ce que nous ressentons de manière certaine, nous transposons aux propriétés des choses cette certitude alors que ce n'est qu'une qualité sensible éprouvée à voir ou à entendre. Voilà pourquoi ce que l'âme aperçoit par les sens capte son attention. C'est qu'il y a une action des objets extérieurs qui dirige les esprits animaux de sorte que "tous les changements qui arrivent à l'imagination et à l'esprit ne sont que des suites de ceux qui se rencontrent dans les esprits animaux (II, II, 1). L'âme subit ainsi l'action du corps et souffre donc une passion.

=> Cela nous permet de comprendre pourquoi la conscience immédiate préfère toujours le présent et tout ce que les sens lui présente ou encore ce qu'elle connaît par l'image: elle le préfère à ce que l'esprit d'examen lui procure. Aucune difficulté pour voir et jouir de ce que l'on voit parce que cela est donné, une grande facilité à imaginer car on évoque ce qui peut être re donné à la sensibilité, mais une grande difficulté à penser parce que cela exige de mettre au foyer de l'attention autre chose que la réalité sensible: de plus, les chemins de la pensée sont de plus en plus difficiles et s'éloignent, se détournent des ombres de la caverne combien rassurantes pour ceux qui ne se fient qu'au sensible

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