=> De
l'absence à la présence.
"Ce
que l'âme aperçoit par les sens la touche et
l'applique extrêmement, ce que l'âme connaît par
l'image la touche beaucoup moins. Ce que l'âme
intellige par elle même ne la réveille presque
pas."
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=> Cette
suite d'affirmation nous donne une clé de la théorie sur
l'imagination de Malebranche.
Tout tient à une différence de degré ou de vivacité entre
sentir et imaginer et non à une différence de nature. Si
l'âme pense que ce qu'elle imagine n'est pas présentement au
dehors, mais simplement dans sa pensée c'est que les filets
nerveux sont seuls à être ébranlés modérément, selon le
degré d'agitation des nerfs qui accroissent ou diminuent
chaleur du mouvement du sang et par là force du flux des
esprits animaux. Imaginer revient alors pour l'âme à
apercevoir l'image d'un objet considéré comme absent. Si
l'agitation est extérieure, elle communique au cerveau une
impression: alors l'âme sent que ce qu'elle saisit est au
dehors; elle aperçoit un objet comme présent.
On
comprend comment Malebranche expliquerait les hallucinations de
Don Quichotte: elles tiennent à la vivacité de son imagination
qui lui fait croire qu'il voit devant ses yeux des objets qui ne
sont que dans son imagination: comprenons que l'image de l'objet
agite les esprits animaux de Don Quichotte avec autant de force
que ne le font des objets extérieurs: c'est ainsi qu'il voit un
nain, aux créneaux d'un château qui est là pour l'accueillir.
=> pourquoi
préférons-nous spontanément la présence à l'absence?
Tout ce qui passe par les sens, agit sur le corps, a un
caractère de vivacité qui tient à la force exercée sur
l'âme par l'intermédiaire du corps et singulièrement par la
glande pinéale que Malebranche reprend à Descartes. L'âme
subit, souffre, pâtit par le mouvement des esprits animaux,
mouvement qui peut être accéléré au point que l'âme est
touchée, au sens propre et au sens figuré, de telle manière
que son attention se porte mécaniquement sur, s'applique à ce
qu'elle voit, entend. Comme nous ne pouvons douter de la
vivacité d'une impression sensible, de ce que nous ressentons
de manière certaine, nous transposons aux propriétés des
choses cette certitude alors que ce n'est qu'une qualité
sensible éprouvée à voir ou à entendre. Voilà pourquoi ce
que l'âme aperçoit par les sens capte son attention. C'est
qu'il y a une action des objets extérieurs qui dirige les
esprits animaux de sorte que "tous les changements qui
arrivent à l'imagination et à l'esprit ne sont que des suites
de ceux qui se rencontrent dans les esprits animaux (II, II, 1).
L'âme subit ainsi l'action du corps et souffre donc une
passion.
=> Cela
nous permet de comprendre pourquoi la conscience immédiate
préfère toujours le présent et tout ce que les sens lui
présente ou encore ce qu'elle connaît par l'image: elle le
préfère à ce que l'esprit d'examen lui procure. Aucune
difficulté pour voir et jouir de ce que l'on voit parce que
cela est donné, une grande facilité à imaginer car on évoque
ce qui peut être re donné à la sensibilité, mais une grande
difficulté à penser parce que cela exige de mettre au foyer de
l'attention autre chose que la réalité sensible: de plus, les
chemins de la pensée sont de plus en plus difficiles et
s'éloignent, se détournent des ombres de la caverne combien
rassurantes pour ceux qui ne se fient qu'au sensible
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de vivacité (2)
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