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« Puissances de l'imagination »

(voie d'accès choisie: le pouvoir de l'imaginaire - Perspectives par Joseph Llapasset)

Classes prépas, programme des prépas scientifiques

Malebranche, La recherche de la vérité

(Livre second, troisième partie, chap.IV, page 155)

L'imagination, origine de la finesse et de la force de l'esprit! 

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=> Commençons par ce texte qui doit nous détourner de croire que Malebranche méprise l'imagination.

"Ce n'est pas un défaut que d'avoir le cerveau propre pour imaginer fortement les choses, et recevoir des images très distinctes et très vives des objets les moins considérables  pourvu que l'âme demeure toujours la maîtresse de l'imagination, que ces images s'impriment par ses ordres, et qu'elles s'effacent quand il lui plaît. C'est au contraire l'origine de la finesse et de la force de l'esprit. Mais lorsque l'imagination domine sur l'âme, et que sans attendre les ordres de la volonté ces traces se forment par la disposition du cerveau, et par l'action des objets et des esprits (animaux), il est visible que c'est une très mauvaise qualité et une espèce de folie."
(Livre second, troisième partie, chap.IV, page 155)

=> Comme Platon qui met en ordre les puissances de l'âme que sont le coeur et les appétits, en les soumettant à la pensée, de même Malebranche veut que l'imagination soit soumise à la puissance de l'âme qu'est la raison; que, loin d'être dominée par l'imagination, l'âme reste libre d'utiliser l'imagination, d'imaginer ou de ne plus imaginer, selon son gré.
La puissance de l'imagination tient à une disposition du cerveau, sa capacité à retenir les images, à en être marqué profondément au point de fixer  l'attention comme si la conscience était ordonnée  à ce  que représentent  les images au point d'être "absorbée", et, comme Swann de ne plus pouvoir penser à rien d'autre.

=> Il y a une démission de l'âme qui se laisse aller à préférer la passion, la vivacité du sensible ou de l'imaginatif, à la froide raison. C'est préférer en effet la passion à la raison, préférer l'existence et la vie, préférer la réalité des choses à travers des images qui donnent au monde, croit-on, du relief et du goût, la moindre des choses, le moindre petit brin de paille, prenant une importance démesurée par la puissance de l'imagination.

=> Ce n'est pourtant pas mépriser l'imagination que d'en faire l'origine de la finesse, du pouvoir de distinguer intuitivement ce que le discours entoure et ignore, et de la force, du pouvoir de création de l'esprit. Cela implique seulement que la volonté éclairée par l'esprit soit maître de des puissances de l'imagination et en aucun cas ne lui laisse remplacer le concept par l'image.
Comprenons que le danger de l'imagination doit et peut rester en puissance: il ne doit pas passer à l'acte,se manifester. Cela signifie que l'esprit ne doit jamais baisser la garde devant celle qui risque toujours de devenir "la folle du logis". Avec fermeté, Malebranche lance un rappel à l'ordre hiérarchique.

=> Et certes, la puissance de l'imagination tient à la vie quelle insuffle en  animant les relations aux choses.

 Elle les rend intéressantes, désirables et indique du même coup un objet au désir qui ne savait pas quel était son objet: laissée à elle même elle n'est  plus que le canal des passions subies, le relais par lequel s'amplifie l'action des objets et des esprits animaux. Dans ce dernier cas, si l'imagination n'est pas un  un défaut avéré, si elle apporte quelque chose, ce n'est qu'une très mauvaise qualité, une figure de la folie, une figure de la déraison: le refus de l'ordre selon lequel l'âme pense et commande aux puissances de l'imagination et juge la vivacité de la sensibilité.

=> Malgré toutes les charges contre l'imagination, malgré la guerre que Malebranche va mener dans le texte au programme contre cette capacité à être affecté par ce qui ne devrait pas nous affecter, cette capacité de donner sens à l'insignifiant, nous devons dès le début reconnaître qu'il y a dans le texte de Malebranche de quoi limiter les critiques adressées à l'imagination: ce n'est pas l'imagination qui est critiquée mais la place qu'elle usurpe chaque fois qu'elle domine l'esprit, qu'elle remplace le concept par l'image dans l'approche de la réalité: or on ne pense pas avec des images. Les images sont tout juste bonnes à être utilisées pour la survie. Les prisonniers de la caverne ne pensent pas, ils repèrent simplement des consécutions., ce que les animaux font très bien.

La distinction entre l'imagination source de passion et l'imagination source d'action nous sera précieuse.

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