=> Entre
l'enfant et l'adulte qu'il deviendra, on a coutume de dire qu'il
y a eu une rupture, l'actualisation de la raison: l'âge de
raison où il peut calculer les conséquences de ses actions, l'âge
de la responsabilité morale où il peut rendre raison. Parler
d'enfance de la raison pour désigner l'imagination c'est nier
cette rupture radicale, c'est enraciner l'imagination dans la
raison qui en serait, par exemple, une première figure, un
chemin vers.
L'imagination est-elle la reine des facultés, surtout
lorsqu'elle est devenue imagination rationnelle, selon le
processus du germe qui produit un arbre et des fruit? Si elle
est devenue telle c'est que, comme l'enfant a eu en puissance
des capacités, l'imagination avait en puissance le concept, les
idées et la raison. Pour établir cela il faudrait cerner l'entéléchie,
le processus d'actualisation et de perfectionnement selon
laquelle la raison en puissance dans l'imagination
s'actualise en imagination rationnelle.
=> La
raison: de quoi parlons-nous? D'un instrument, d'une capacité,
d'une puissance propre à l'homme ou bien de l'usage qu'il en
fait dans divers domaines d'application, par exemple en
politique ou en mathématiques ou en amour.
Une piste de lecture: G. Halton, La science et l'âme du monde,
Imago, 1983, page 80.
Les découvertes qui sont présentées comme, pour ainsi dire,
senties à l'avance, devinées par le chercheur en fonction de
son enfance et des sources de l'imaginaire qui se sont constituées:
l'étude porte en particulier, sur Newton, Niels, Bohr,
Einstein. Par exemple, on découvre que Niels Bohr avait nourri
ses rêveries des propos enflammés d'un ami de ses parents qui
imaginait rationnellement que la conscience épousait le vol
d'un oiseau qui ne manquait pas de se poser entre deux vols. (=
continuité et discontinuité du courant de conscience). Autre
piste: l'enfance de Kierkegaard ou celle de Chateaubriand. La même
étude peut être faite de la désillusion de Don Quichotte
quand il prend conscience de sa naïveté et qui utilise enfin
sa raison pour distinguer ce qui est présent et ce qui est
absent. Pour faire cette distinction il faut bien s'enraciner
dans l'imagination qui présente l'objet comme absent.
=> La raison
scientifique moderne, malgré sa précision et ses calculs use
et abuse de l'image: des ondes, des corpuscules qui sont
l'actualisation d'objets imaginaires. Mais, en toute conscience
de cela, l'image n'étant qu'un tremplin pour une future
abstraction.
On pourrait aussi penser au mythe et à la science et cerner
quoi la logique du mythe se retrouve transfigurée et débarrassée
de sa naïveté dans la science.
=> Plus précisément
on peut s'interroger en quoi la raison peut-elle être caractérisée
comme actualisation du mouvement propre à l'imagination. Notons
que la raison est la faculté des idées, de s'élever à des idées
régulatrices à quoi rien de sensible ne correspond. Sans la
dimension de l'absence, de la distance reconnue, comment la
raison pourrait-elle s'exercer. Sans la transfiguration de
l'infinité de l'imagination, comment la raison pourrait-elle se
décentrer et où trouverait-elle son dynamisme?
La raison
n'est-elle pas fécondée par la déraison pour peu que la déraison
devienne consciente d'elle même? Ainsi la raison accèderait à
la sagesse sans pour cela se dessécher en scientisme. Toujours
ce pourquoi pas, ce comme si qui n'est que
l'actualisation de l'imagination, sa mise en forme dans ce que
nous appelons raison. La déraison ne couronne-t-elle pas la
raison lorsque l'hypothèse la plus folle est confirmée.
=>
L'imagination à l'origine de l'âge de raison: comment prendre
en compte l'intérêt général sans s'imaginer à la place des
autres? Comment se sentir responsable sans imaginer (calculer)
les conséquences de ses actes? Comment choisir sans calculer,
comment choisir sans imaginer plusieurs chemins absents et
autres que ceux que la société demande de suivre? Comment
affirmer l'égalité des hommes sans imaginer rationnellement un
Dieu créateur dont ils sont les enfants?
Don
Quichotte: dans la lucidité de la raison il y a bien,
à l'origine, la déraison qui devient consciente de ce qu'elle
est, qui perd sa naïveté, grâce à ce regard réflexif qui
accompagne les rêveries les plus folles. Or l'imagination
implique toujours, dès l'enfance, ce regard qui fait dire en
plein jeu, c'est pour du rire. Quand cette lucidité
disparaît, l'imagination et la raison disparaissent avec le bon
sens, l'imagination devient déraison, naïveté, qui confond ce
qui est absent avec ce qui est présent, ce que l'on imagine et
ce que l'on voit. Alors la raison n'est plus raison au sens
propre, n'est plus l'actualisation des potentialités de
l'imagination, elle s'est dégradée en hallucination où ce qui
revient au même en scientisme.
En lisant Don quichotte, prenons garde à la bonté: elle a pour
fondement une raison fécondée par l'imagination. Sancho Pansa,
par exemple se décentre et imagine la souffrance de son maître,
il le supplie de repartir avec lui, au point de s'oublier lui même.
Ainsi l'amour, couronnement de la raison se nourrit de sacrifice
et d'imagination, pour un monde pleinement humain.
Même processus quand Don Quichotte prend la défense des
prisonniers, de ceux qui ont été volés...
Malebranche
multiplie les formules qui permettent de répondre non
à la question posée. Mais quelle est cette imagination qui
fait la force de l'esprit dont il nous parle?
Proust:
parce que tout est imaginaire, qu'on aime jamais que soi, la
raison est ou bien l'épigone de l'imagination ou bien, dans le
meilleur des cas, n'est que ce qui impose un conformisme au
service de l'imagination, de l'orgueil, de l'imitation, ( le
temps retrouvé, qui n'est pas au programme marque le
retour et le triomphe de la sagesse dans la prise de conscience
de la naïveté: le retour à l'imagination telle qu'elle est).
=>
L'imagination est donnée à la jeunesse et s'actualise dans
l'imagination rationnelle grâce à l'esprit critique sans
lequel elle se perdrait en perdant sa fécondité.
"l'image
sur le chemin de l'abstraction et de la généralisation; elle
est sur le chemin de l'idée." Meyerson.
On peut être
surpris que le programme ne prenne pas en compte la désillusion
de Don Quichotte et de l'auteur / narrateur de La recherche...
C'est peut-être que le retour à la raison ne concerne pas le
programme. Pourtant cela éclaire bien l'imagination. Ce sujet
vous invitait peut-être à lire les deux oeuvres
Bonne continuation
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