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« Puissances de l'imagination »

(voie d'accès choisie: le pouvoir de l'imaginaire - Perspectives par Joseph Llapasset)

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Cervantès, Don Quichotte (début) 

Sur Le Prologue: Odyssée d'une illusion et d'une désillusion 

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=> L'entreprise de démolition menée par Cervantès suppose une psychologie de l'illusion et une psychologie de la désillusion. Elle commence dès le prologue puisque l'auteur se campe comme celui qui dénonce l'imitation, l'orgueil,la rhétorique formelle de ses contemporains et par dessous tout cela  le pouvoir de l'imaginaire: si la vérité est bien seule dans le monde de l'imaginaire, celui des apparences trompeuses maniées par les montreurs de marionnettes de l'époque, elle brillera de tout son éclat lorsque l'humilité, le retour à soi et la distinction de ce qui est et de ce qui n'est pas, auront ruiné le fondement même des puissances trompeuses de l'imagination. Autant la raison divague dans ses extravagances, autant elle est assurée dans les limites de son domaine.

Il faut bien mettre en évidence (psychologie de l'illusion) les puissances de l'imagination ainsi que les subjectivités prisonnières du pouvoir de l'imaginaire, pour démolir les inventions chimériques en faisant apparaître (psychologie de la désillusion) l'écart entre le délire des rêveries et les résistances de la réalité. On prendra le lecteur à témoin.

=> Comme chez Proust, on trouve cette constante selon laquelle tout défaut a pour contrepartie une qualité  grâce à laquelle on ne doit jamais désespérer: l'amour a pour contrepartie la bonté et le sacrifice, voilà pourquoi l'espérance n'est jamais déçue.

=> Tout le prologue procède déjà à la dénonciation des puissances de l'imagination en acte et donc du pouvoir de l'imaginaire: 
- d'abord dans les écrits littéraires de l'époque qui ne craignent le ridicule de prendre à témoin les anciens sur des questions de chevaleries qu'ils ne connaissaient pas. On se demande ce qu'ils pourront en dire! 
- Ensuite, l'imposture va encore plus loin en appelant les docteurs de l'église à rescousse. On les met souvent en mauvaise compagnie. Que dire des références à la Bible, des dictionnaires que sont les appendices d'un livre pour définir ou pour commenter par des clichés certains termes qui se suffisaient à eux mêmes.

=> Dans tous ces comportements, dans toutes ces astuces qui n'ajoutent rien à la valeur d'une oeuvre, il y a volonté de jeter de la poudre aux yeux: l'adresse caractérise les ambitieux qui utilisent l'imaginaire et sa puissance en croyant conquérir une reconnaissance qu'ils ne méritent pas.

=> Ainsi le prologue nous invite au dépouillement en se dépouillant, chose très nécessaire pour saisir l'odyssée de l'illusion et de la désillusion racontée. Nous devons passer du côté de l'auteur pour ne jamais être dupes et pour rire chaque fois que la mécanique est plaquée sur du vivant, chaque fois que Don Quichotte tombe dans les filets d'une réalité qui n'a rien à voir avec sa rêverie. L'auteur nous détourne de cette folie qui consiste à vouloir exister dans l'imaginaire des autres à s'enfoncer dans un rêve clos dans l'espoir insensé d'obtenir un semblant d'éternité, une jouissance de l'impossible.

Vers: Don Quichotte ... Sur le chapitre premier ...Page 1 . Quand la vraie vie est ailleurs.