Difficulté:
comment définir la passion autrement que par son objet? Comment
trouver les caractéristiques essentielles d'un mouvement, d'un
acte de transcendance, d'une visée intentionnelle de la
conscience qui se fixe, qui s'arrête, pour ainsi dire, sur son
objet (= ce que je jette devant moi), objet dont la diversité décourage
d'ailleurs tout effort pour déterminer la passion par l'objet.
Si la passion est d'abord un acte, comment définir cet acte
sans le perdre de vue? Comment le voir sans l'arracher à sa
condition: un acte s'accomplit, il ne se définit pas.
Etat
affectif d'une activité?
Or toute passion est conscience de soi: que la passion soit un
acte de la conscience, une structure fixée de la conscience, ne
peut se discuter, car la passion fait apparaître son objet et
elle s'apparaît à elle même dans l'auto affection de ce
mouvement qui fait apparaître. Ce qui signifie qu'elle éclaire
son objet dans une distance et qu'elle se souffre elle même,
elle s'éprouve elle même dans la non distance du sentiment:
comme conscience est conscience de quelque chose, intentionnalité,
et conscience de soi, la passion en faisant apparaître son
objet est présence à soi: de ce "fait" elle ne perd
jamais conscience de sa réalité, de son enracinement dans l'être
et, en un certain sens dans la vérité comme dans la valeur. La
passion est en effet relation à une chose qu'elle valorise,
qu'elle pose comme infiniment préférable à toutes les autres
et qu'elle pose dans l'être, dans l'éternité, au delà du
devenir.
C'est dire que toute passion ouvre l'existence à une dimension
essentielle, métaphysique.
On
dira qu'elle est monoidéique, occupée d'un seul objet, ou si
l'on préfère qu'elle est exclusive: elle exclut en effet tout
ce qui est étranger ou ne saurait être rapporté à l'objet
qu'elle fixe et sur lequel elle se fixe.
Acte de conscience, désir hégémonique, sentiment de liberté
et de vérité, la passion est du même coup
"dimension" sens et profondeur de l'existence: comme
l'existence, la conscience ou le désir, elle se souffre elle même,
se supporte: dans cette condition de souffrance s'affirme
l'exigence d'une action, une puissance, une force comme racine
et origine d'une maîtrise toujours possible. Cette puissance
appelle la raison comme le vent appelle la boussole.
Cela
nous amène à vouloir saisir la passion dans l'unité d'une
forme pure de tout contenu particulier. Pour prendre ensemble
cette forme dans sa pureté l'objet importe peu puisqu'il change
et manifeste un devenir qui ne saurait permettre une définition:
en renonçant à la forme, on se condamnerait à égrener des
contenus, autant d'objets autant de passions. |