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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

MESURE ET DÉMESURE  

PLATON : GORGIAS

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- Sur le Prélude (448 b , 449 a), Polos.

Tempérance - La Vertu qui surmonte tous les genres d'ivresse. Alain, Définitions, 218.

Dialogue -
Rémi: J'ai trouvé cette citation dans
Définitions, oeuvre d'Alain qui m'est très utile. Peut-on parler d'homme tempéré chez Platon.

Hibou (rieur): Comme d'un climat? Plutôt, d'homme mesuré! Quoi qu'il en soit la citation d'Alain vient bien à propos pour notre thème: tempérance => mesure / genres d'ivresse => démesure.
Mais revenons au prélude du Gorgias dans lequel, me semble-t-il, notre thème n'est jamais perdu de vue: le vocabulaire employé fait nécessairement apparaître un monde, ici le monde de la mesure et celui de la démesure. Comment comprendre "nombreux" que Léon Robin dans la Pléiade traduisait heureusement par "une foule de". Qu'est-ce que cela suggère?

Sophie (avec assurance): sans doute c'est le vocabulaire de la démesure: la foule est toujours démesurée parce qu'elle semble innombrable et toujours prête à s'emporter: "les nombreux" (oi polloi) sont ceux qui se noient dans les contraires, dans le mouvement de croissance et de décroissance vers l'infiniment grand et vers l'infiniment petit; ceux qui ne savent pas mesurer leur discours parce qu'ils ne se maîtrisent pas, ne sont donc pas, mais deviennent sans cesse: ils manquent de tempérance et balancent entre le trop et le trop peu : à la place d'une balance intérieure qui pourrait et devrait être leur intériorité, il y a des reflets de leur besoin ou de ceux qu'ils rencontrent: comme tous ceux qui sont emportés par un flux ils trébuchent sans cesse et sont incapables d'ajuster ce qu'ils disent à la question posée. J'ai trouvé que Polos en grec signifiait ressort. J'ai cru comprendre qu'une fois lancé, il répétait mais n'était pas capable d'imiter et encore moins de distinguer ce qui est digne d'être imité. J'ai remarqué que Polos se fie à ce qu'il voit, ce qui se trouve à l'existence sensible (= opinion). Polos se contente d'affirmer ce qui l'arrange et il enchaîne mécaniquement ou plutôt il se contente de juxtaposer.
Enfin, je me suis demandée: qu'est-ce qui mesure Polos? Se mesure-t-il lui même ou est-il mesuré par des valeurs sociales auxquelles il ne croit pas?

Oui-oui: Bravo! En se référant purement et simplement à l'expérience qui s'étend à l'infini, qui ne prouve rien, qui promet beaucoup et qui laisse à bout de souffle, Polos reste dans le vocabulaire de la démesure. L'expérience étant à l'infini, promet beaucoup et ne tient jamais ses promesses tant qu'elle n'a pas été liée en un savoir.

Max: Celui qui ne s'appuie que sur l'expérience, sait-il de quoi il parle; le domaine du devenir multiple et toujours autre, peut-il présenter un ordre, ou un lien? Ainsi le Rhéteur dans ses discours pleins d'habileté change de forme et de contenu selon la foule et ses réactions: il cherche à plaire.

Hibou: Pour Polos cependant, il y a un ordre: quelle est son origine?

Oui-oui:  l'expérience elle-même comme si la démesure pouvait être une référence. Comment la simple et pure expérience pourrait-elle faire un savoir justifié? Il me semble que chez Polos tout est inversé comme si l'expérience toujours diverse pouvait produire autre chose qu'une recette, pouvait produire un art, un savoir. Comment l'instabilité pourrait-elle produire par elle même une stabilité. La vérité ne doit elle pas avoir un visage pareil et universel (Montaigne). L'expérience relève du hasard, aucune méthode articulée sur un savoir ,  n'est jamais sortie de l'expérience. C'est comme si on disait que ce qui doit être est ce qui est, c'est comme si on réduisait le droit au fait sans pour cela faire disparaître le droit! Il s'agit bien de rabattre ce qui doit être, la valeur, sur ce qui n'est pas, sur ce qui devient.

Hibou: Ne voyez-vous pas dans les enchaînements une suite d'évidence, des tautologies (= dire la même chose)? (448 c)

Rémi: En tout cas il enfonce une porte ouverte. Je me suis arrêté sur le terme "participer". Est-il bien choisi?

Hibou: On participe à, on prend part à quelque chose d'extérieur à soi même comme on entre et on sort de, comme dans un moulin, sans vraiment s'engager.
Polos pose simplement une affirmation qu'il ne justifie pas "Aux meilleurs arts vont les meilleurs hommes": Gorgias est parmi les meilleurs parce qu'il participe au plus beau des arts: la rhétorique: ce n'est pas lui qui se mesure lui même, sa valeur vient d'un rapport à autre chose que lui: tout dépend donc de la valeur de la rhétorique, est-ce un Art ou une simple pratique de manipulation.
Que dire de plus sur le solo de Polos? 

Sophie: Il y a de la caricature dans un tel solo ce qui le rend magnifique mais démesuré puisqu'il exagère certains traits au détriment des autres = point d'harmonie.

Rémi: Tu veux dire que Platon caricature Polos: qu'il y  aurait donc un véritable Polos qui n'apparaîtrait pas dans ce discours. Ce serait ici Platon qui ferait preuve de démesure.

Hibou: Je rappelle qu'il y a toujours un aspects de comédie dans les dialogues de Platon ... Reste que Polos semble bien noyer le poisson comme on dit et en tout cas répondre à côté de la question: qu'est-ce qui serait la référence, quel est l'Art de Gorgias et son objet, quel est son savoir? Qu'est-ce qui mesure Gorgias, sur quoi son savoir porte-t-il? Reconnaissons que, Polos, en répondant par une qualité reste dans la démesure de l'art oratoire, car la qualité appelle ici le superlatif qui, plonge dans la confusion du plus et du moins, de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. Polos ne tient pas la promesse faite de répondre par oui ou par non. Ce qui l'obligerait à se mettre en rapport avec l'être et non pas le paraître, avec la mesure et non pas les envolées oratoires qui trébuchent souvent. Tout simplement il est peu soucieux de pratiquer la conversation.

Oui-oui: Pour le reste du texte de ce prélude Socrate souligne l'échec de Polos, ce qui laisse en première ligne Gorgias. et c'est avec lui que Socrate va avoir un simple entretien, celui qu'il demandait au début.

Sophie: Entretien passionnant qui se lit d'un trait.

Hibou: Bien! voilà pourquoi je te donne pour demain matin un petit exposé à nous faire dans lequel tu analysera l'entretien: tu mettras en évidence les idées, leur progression et leur enchaînement sans bien entendu perdre de vue, puisque certains nous recommandent de nous en tenir strictement au thème et à l'oeuvre au programme, sans perdre de vue dis-je mesure et démesure.

Sophie: D'accord. Où est-ce que je commence et où est-ce que je m'arrête.

Hibou: Dans la traduction de Monique Canto, Garnier Flammarion n°465, commence à la page 126, 449 a "Gorgias, dis-nous toi même comment il faut t'appeler et quel est l'art que tu connais ...", jusqu'à la page 154, 461 b "Qu'est-ce que tu racontes, Socrate ? ..."

Vers la page suivante: Dialogue Socrate / Gorgias (449 a 461 b)

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