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II Psychanalyser : le sériel de la structure et
l'orientation éthique de l'acte analytique.
"
… l'homme <<affranchi>> de la société
moderne…
c'est à cet être de néant que notre tâche
quotidienne est d'ouvrir à nouveau la voie de son sens
dans une fraternité discrète à la mesure de laquelle
nous sommes toujours trop inégaux ".
Lacan, Jacques, Ecrits, Paris, Seuil, 1966. "
L'agressivité en psychanalyse " p. 124.
5.
Le mal radical ou la radicale transparence du Mal?
La
radicalité du Mal est bien sûr l'enjeu premier et
ultime, " primultime " selon le néologisme nécessaire
de Jankélévitch, du discours de la philosophie qui
invite à une subtile maîtrise du dialogue face à la
dure reconnaissance par le sujet de l'adversité du Réel
et de la réalité. La subtilité en question concerne
en fait la différence fondamentale entre éthique et
morale aussi importante pour la pratique philosophique
que pour la pratique psychanalytique, tant la question
de la dévalorisation du Bien et du Mal doit laisser la
place à la détermination du " bon " et du
" mauvais ". Le passage du substantif (le
Bien, le Mal) à l'adjectif (le Bon, le Mauvais) est
l'enjeu laïque du discours philosophique, et de son
dire frère, le discours analytique. La Cision
originaire, la grande schize fondatrice, c'est Socrate,
la décision, c'est Freud, puis Lacan : aucune ne fût
sans conséquence : philosopher, psychanalyser, traiter
le trouble du penser ; traiter le trouble du désir. L'antiphilosophie
de Lacan est de ce point de vue, la véritable "
note bleue " du discours analytique lequel met en
lumière et en abîme la transparence du Mal. Le pari de
l'analyse en son acte procède du Père au Pire.
Avant l'invention de la psychanalyse, avant la découverte
freudienne de l'inconscient, la grande révolution de l'émergence
fondatrice de discours philosophique avec Socrate
consistera à mettre en question l'existence du Mal
comme substance : " Nul n'est méchant
volontairement ". La transparence du Mal suppose en
effet un second constat : " les hommes sont plus bêtes
que méchants ".
Mais la forme du Mal sous les traits de la bêtise, de
la débilité -celle de la volonté, du désir, du préjugé,
du jugement - heurte une limite, l'absence de détresse
devant la détresse de la méchanceté : le Mal comme
figure de l'insensibilité, de l'indifférence devant la
souffrance. La froideur des sentiments, le gel du cœur,
autant de métaphores venues de la tradition spirituelle
occidentale ou orientale, interrogent selon quelques
lignes convergentes, world, universelle , l'évidence
logique de la réalité psychique humaine selon laquelle
entre Symbolique et Réel, entre S et R, un troisième nœud
préside la conjonction de ces deux dimensions
psychiques : l'imaginaire, creuset du principe
identitaire du sujet et piège de la méconnaissance de
soi. Narcisse est une figure assassine : le meurtre de
soi commis au nom de l'Autre qui revient à soi ! La
logique terminale du cynisme y trouve son commencement
comme sa finalité. Un poète disait " Quand la
parole est brûlée vive, l'homme ne meurt ni ne vit
". Plus profondément, il s'agit de reconnaître
l'embarras de Freud lui-même en ce qui concerne la
nature de la sensation de malaise ou de bien-être. Dans
précisément, le grand article de Freud d'où se lève
le désir de Lacan, Au-delà du principe de plaisir, il
indique que la sensation de plaisir-déplaisir reste
"mystérieuse, inaccessible. Personne en somme n'en
a encore rien dit, ni le savant psychologue, ni le
philosophe, ni le psychanalyste"
Notes:
Pierre Lévy. La world philosophie, Ed. Odile Jacob,
2000. La recherche du world, de la forme comme "
universel " est un des propos majeurs de son œuvre
mais selon la perspective d'une stricte immanence. De la
" machine-univers ", à " l'intelligence
collective ", thèse anthropologique-clef sur les
nouvelles technologies, l'anthropologue et le philosophe
invente des concepts dans l'esprit deleuzien d'une
ontologie pragmatique.
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