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Cisions.
Ainsi la compréhension anthropologique de la version
juive, somatique et de la version chrétienne de la Loi
et du Désir définissent la cision, la coupure
indispensable aux conditions de toute décision éthique
sur la nature illusoire ou pas du Mal. Revenons aux
Grecs, autre hiatus de notre futur antérieur démocratique.
Ces frabricateurs de prodiges, de faux semblants et de
simulacres que sont les sophistes - ou " voleurs de
jouissance " pour Lacan entretiennent avec la vérité
une relation perverse en ce que le désir de vérité,
la véracité est réduite au seul nom de l'intérêt.
Judas est la figure initiale du Mal comme trahison. La
marginalité croissante des Juifs dans l'espace chrétien
industriel aboutit à Auschwitz, à la mise en cendre,
à l' effacement du Nom soit à la forme ultime du Mal
comme Désastre : croire que la puissance d'une vérité
est totale . Le champ amoureux n'est évidemment pas
protégé d'une telle catastrophe mise en évidence par
l' oxymore durassien, hélas banal mais peu prononcé
sinon parfois dans les cabinets des analystes :
Hiroshima, mon amour ! Hiroshima, dans l'histoire
contemporaine marque le seuil d'alerte de la remontée
barbare sous la mince strate " mortelle " de
notre civilisation et marque le point de départ qu'un
chrétien presque hérétique a formulé bien avant la
world philosophie que Pierre Lévy met en perspective :
"Nothing in the universes can resist the converging
ardour of a great enough number of united and organized
intelligences." (Teilhard de Chardin)
Ni le Mal, ni le Bien n'existent comme substance, mais,
par contre, un méchant est un méchant, et la nécessité
des lois, du Droit viendra rendre possible un légitime
mécanisme d'accusation qui ne soit ni de ressentiment,
ni de vengeance mais de Justice. Le " droit à la
miséricorde " à l'hospitalité est au cœur
sensible de l'héritage des montages juridico-politiques
de l'Occident chrétien qui, aujourd'hui, 50 ans après
la légalisation nazie du meurtre de masse contre les
juifs d'Europe centrale, commence à peine à penser
l'impossible du trait d'union, la cision, la scission de
ce que Nietzsche trop rapidement dénonce comme le judéo-christianisme.
La lutte à mort entre chrétiens et Juifs, frères
ennemis, ne trouve pas sa cause dans le conflit des
rituels ; baptême contre circoncision mais dans le réel
à quoi les mythes font réponses ou objections.
St
Jean dans l'Évangile pose une question cruciale pour
toute question préliminaire au traitement clinique des
psychoses : le Verbe peut-il se faire chair ? L'égalité
comme droit, comme devise politique est l'inscription
juridique de la fraternité que le christianisme énonce
sur un mode inconditionnel au-delà de toute trace qui
ne soit que somatique. La clinique de la psychose témoigne
du fait que chaque religion exhibe et dissimule un point
psychotique : la crucifixion chrétienne, par exemple,
est un des noms du secret possible de l'impossible
travail du fantasme dans la psychose : le Verbe ne
parvient pas à se faire chair. Ou encore, incapacité
de penser toute dualité jusqu'à sa secrète unité.
Notes:
J. Lacan Ecrits, Paris, Seuil, 1966. . "La causalité
psychique " et Séminaire sur les Psychoses
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