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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

« La science »

La scientificité, l'antidote du scientisme

Esquisse, niveau Classes prépas.

_____________  Perspectives par Joseph Llapasset   ______________

 

=> Y a-t-il un caractère essentiel de ce qui est scientifique?

Ce serait alors un critère, un instrument pour reconnaître et rassembler toutes les disciplines appartenant à la science; ce qui fait qu'une science est une science.
Si on considère les mathématiques, les sciences expérimentales, les disciplines qui déterminent, par exemple, une quantité par le calcul sans recourir à la mesure, qui évaluent, celles qui construisent, dans tous les cas on observe des actions complexes intelligemment ordonnées, comme moyens ajustés pour obtenir un résultat. Ce caractère opératoire tient à une sorte de rationalité, d'enchaînements déductifs, rendus possibles par l'intelligence qui ordonne méthodiquement les opérations, de manière telle qu'elles soient valables pour tout esprit qui veut bien recommencer les opérations.

Dans les mathématiques triomphe l'opération qui atteint sa perfection dans sa réversibilité:
- 1 + 1 = 2  et  2 - 1 = 1
- 3 X 3 = 9  et  9 / 3 = 3
La prévision devient possible: 6 + 3 = 9

Dans la démarche scientifique, dans l'articulation dialectique des théories et des expérimentations, l'opération se déploie grâce à un calcul ,à la déduction d'une observation théorique mesurable, d'une prévision.

=> A l'origine de ce caractère qui confère la scientificité, il faut placer la distinction de l'être et de l'étant et la distinction du sujet et de l'objet qui orientent la démarche vers l'objectivité, le mesurable, le vérifiable et donc vers le comment plutôt que vers le pourquoi, le pourquoi semblant se dérober, se voiler comme l'être se voile derrière l'étant.

=> On n'oubliera pas que si les opérations peuvent être constatées, s'il est incontestable que la science ne saurait se passer de l'acte qui la constitue, l'acte intellectuel constituant lui même échappe nécessairement à la science puisque si le mécanisme monté peut être vu, ce qui fait voir ne saurait être vu.

Le caractère de scientificité c'est donc aussi l'inachèvement de la science qui est par essence hypothèses et vérifications à l'infini, selon la formule de Husserl. Ainsi, la physique d'une époque est l'ensemble des théories et expérimentations de l'époque.
C'est dire qu'un discours scientifique n'aura jamais le dernier mot, que l'ambiance de la science c'est le provisoire: si tout est révisable le champ du dialogue reste libre, la discussion et l'invention sont toujours possibles sans que personne puisse prétendre avoir le mot de la fin en s'appuyant sur une science.

La scientificité revient donc à construire des opérations ordonnées à une fin.: rapprocher des modèles théoriques et des données objectives, celle d'accorder les opérations de l'esprit et le fonctionnement des systèmes réels sans jamais oublier le rôle de l'esprit critique et de l'intelligence qui fait que la science n'est jamais seule: la scientificité n'apparaît qu'avec un esprit d'examen, une critique vigilante.
En conséquence, on ne peut qu'adopter ce propos de Gonseth: "La science actuelle se sert de la révision comme d'un procédé technique naturel et assuré."

La scientificité ainsi déterminée nous protège des aliénations et de la tyrannie d'une science qui se poserait comme ce qui doit avoir le dernier mot dans tous les problèmes qui se posent à l'humanité. En ce sens la scientificité est  l'antidote du scientisme.