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Parce que ce
qui fait qu'une science est une science, ne peut être que son
caractère opératoire par lequel elle accorde des opérations
de l'esprit et le fonctionnement des systèmes réels, la démarche
de la science produit des objets, par des opérations
constructives: en se faisant par théories et expérimentations,
c'est à dire en ne retenant des objets que ce qui peut être
confirmé par le succès d'une prévision ou infirmé par une
contrainte exercée par la réalité.
L'objectivité est alors l'accord entre la théorie et le
fonctionnement des relations entre les objets, des systèmes réels.
Cet accord ne pouvant être établi qu'à la condition qu'à
l'objet ne se mêle pas des impressions sensibles qui seraient
confondues avec les propriétés de l'objet: l'objectivité désigne
alors cette attitude d'impartialité.
Le caractère opératoire de la science appuyé sur des critères
de vérifications rend la science transmissible à tous les
esprits: cela permet de déterminer l'objectivité comme le
caractère de ce qui est commun à plusieurs esprits en fait, et
en droit qui est commun à tous les esprits. Pour que cela soit
commun la condition est d'abord que cela soit transmissible
d'esprit à esprit, ce qui s'effectue par la théorie. Mais
justement une opération de l'esprit peut par essence être
transmise à un autre esprit qui peut la répéter dans sa
balance intérieure. On comprend pourquoi la sensibilité
subjective et particulière doit être écartée: l'objectivité
ainsi entendue est condition nécessaire d'un monde commun à
plusieurs esprits.
De
cela on peut conclure que l'objectivité ne concerne que des opérations
productrices d'objets et non pas la réalité des choses: parce
qu'elle ne saurait atteindre cette réalité que par l'intermédiaire
d'objets, de modèles, et parce qu'une expérimentation peut
bien falsifier une théorie, quand elle donne autre chose que la
prévision déduite de la théorie, mais ne peut jamais la vérifier,
on doit admettre que la science par sa scientificité même, son
caractère opératoire ne peut arriver par la conquête de
l'objectivité qu'à des connaissances relatives et en aucun cas
à la connaissance absolue des choses. C'est le relativisme de
la science. Dans le meilleur des cas, la vérité obtenue sera
une vérité pour nous, êtres raisonnables sensiblement affectés.
Nous
ne pouvons donc concevoir une objectivité qui serait le caractère
de ce qui existe indépendamment de notre pensée, ce serait
contradictoire puisque les objets sont des opérations de
l'esprit, des constructions et que ce qui relève de la pensée
ne peut exister indépendamment d'elle et porte nécessairement
la marque de l'esprit. C'est donc par essence, par son caractère
opératoire que la science sera toujours relative et qu'elle ne
peut prétendre à l'intuition immédiate de données là
où tout est construit.
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L'objectivité
est un horizon de la scientificité, un idéal qui joue le rôle
de principe régulateur. Voilà pourquoi la recherche reste
toujours ouverte sans que jamais la science ou ceux qui
l'utilisent ne puissent avoir le mot de la fin, le dernier mot,
ce qui ouvre le dialogue à l'infini.
Voir la réalité telle qu'elle est n'est donc qu'un rêve de
celui qui n'a mesuré ni sa nature ni ses capacités et
ses forces.
La
science ne saurait donc adopter le réalisme métaphysique qui
la ferait sombrer dans l'impossible recherche d'un décalque, au
lieu de s'en tenir fermement à la recherche de l'objectivité,
en éliminant, autant que faire ce peut les éléments
subjectifs et en construisant un monde commun partagé par tous
les esprits d'une époque, la physique d'une époque étant
alors l'ensemble des théories et des expérimentations de l'époque
et rien de plus. Si l'objet est ce que nous jetons devant nous,
comment imaginer qu'il puisse être le décalque de ce que nous
n'avons pas jeté devant nous?
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citations
La science n° 26 à n° 30 (lien ouverture nouvelle fenêtre) |