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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

« La science »

La science remplace-t-elle le mythe?

Esquisse, niveau Classes prépas.

_____________  Perspectives par Joseph Llapasset   ______________

 

=> Vous pouvez commencer par lire les trois premières pages du cours: Mythe, science ...

"Le nombre des images, qu'un esprit scientifique estime pour le moins inutiles, dit assez clairement qu'elles jouent un rôle explicatif suffisant pour l'esprit pré-scientifique." Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, le mythe de la digestion, Vrin, page 175 

Si la science ne remplace pas le mythe, n'est-ce pas que le mythe à côté de son rôle simplement explicatif pour un esprit pré-scientifique, a une fonction sociale qui lui est propre ce qui  le rend irremplaçable par la rationalité scientifique?

Si la science remplaçait le mythe, cela signifierait que l'humanité s'est éloignée définitivement de la sphère s'influence du mythe. Cela vous semble-t-il être le cas? Peut-on dire que les mythes fondateurs des grandes religions monothéistes ont disparu de la vie quotidienne?

Si la science avait remplacé le mythe, cela signifierait que le mythe n'avait pas une fonction propre et irremplaçable, et qu'il y aurait trois âges de l'humanité: le mythe, la philosophie, la science.
Que la science exige, dans son mouvement constitutif un renoncement au mythe c'est ce que Bachelard affirme: mais cela ne signifie pas que le mythe n'ait pas gardé une fonction qui lui est propre et qu'il ne cesse d'exercer: être banni du champ de l'objectivité, c'est une chose admise. Être remplacé par la science, par le désenchantement, c'est autre chose. D'ailleurs le désenchantement n'a jamais remplacé l'enchantement. En bref, pour que la science remplace le mythe, il faudrait qu'elle accomplisse plus avantageusement la ou les fonctions du mythe. Or la science nous désole plus qu'elle ne nous console.

=> Peut-on affirmer que le mythe, dans la culture moderne, est un instrument de vérité? "Autrement" scientifique que la science? Comme la science, mais par une autre voie: l'esprit tracerait un chemin grâce auquel l'humanité  échapperait à la persécution immédiate par l'instauration d'une distance, d'un récit.

=> Il faudrait s'attacher à considérer le mythe en lui même pour savoir s'il a été remplacé: n'est-il pas ce qui figure les métamorphoses du divin, ce qui les traduit pour qu'elles soient accessibles, supportables, compréhensibles. Apprivoiser le divin. Comment nier la persistance de la pensée mythique?

=> Le mythe n'est-il pas en un sens irremplaçable, pour la science elle même, parce qu'il ouvre un champ à la recherche, pour la connaissance de la société dans laquelle il s'est déployé? ( citation 3 ) En un sens la science ne peut remplacer le mythe puisqu'elle écarte l'affectivité et l'imaginaire.

=> La fonction justificatrice de l'ordre établi montre bien la permanence de l'influence des mythes alors même que la science s'est développée. Rationalité scientifique, efficacité pratique et puissance des mythes co-existent. Le mythe peut se révéler dans une fonction de justification de l'ordre établi et dans la fonction de libération: le mythe de la révolution (1789).

Quelques citations comme autant de pistes de lecture.
1- "Le mythe est objectif dans la mesure où l'on reconnaît en lui un des facteurs déterminants qui permettent à la conscience de se délivrer de la claustration passive dans la sensibilité et de progresser vers la création d'un "monde" organisé selon un principe spirituel qui lui soit propre." E. Cassirer, La pensée mythique, page 31.

2 - "De son côté, la pensée mythique n'est pas seulement la prisonnière d'événements et d'expériences qu'elle dispose et re-dispose inlassablement pour leur découvrir un sens; elle est aussi libératrice, par la protestation qu'elle élève contre le non-sens, avec lequel la science s'était d'abord résignée à transiger. C. Lévi-Strauss, La pensée sauvage, page 36.

3 - "En somme, les mythes révèlent que le Monde, l'homme et la vie ont une origine et une histoire surnaturelles et que cette histoire est significative, précieuse et exemplaire." M. Eliade, Aspects du mythe, page 33.

4 - "Le contenu ultime de l'histoire des dieux est la production, le devenir collectif, de Dieu dans la conscience; les dieux se rapportent à ce devenir comme les moments singuliers de sa genèse." Schelling, Introduction à la philosophie de la mythologie, page 197

Bonne continuation