L'esprit
de la science est donc d'abord liberté par rapport au savoir et
au pouvoir, curiosité désintéressée; ce qui ne signifie pas
que personne ne l'utilise pour asseoir un pouvoir et ne la réduise
indûment à un savoir: pouvoir de destruction massive ...
Autant dire que la confusion Science / savoir est ruineuse
pour la science car cela consiste à lui dénier son caractère
propre, ce qui la détermine d'abord comme science. A la science
il appartient en effet d'être à l'origine de son discours, le
processus de sa constitution lui appartient de par son caractère
opératoire propre, sa scientificité. A l'origine du discours
scientifique l'esprit tire de lui même des chemins qu'il se
propose et qu'il suit: ce qui est bien l'exercice d'une liberté.
=>
Quels
peuvent être les rapports entre Savoir et Science,
s'ils peuvent être aussi nettement distingués?
C'est que le point de départ de la science est toujours un
problème posé par l'exercice d'un savoir: il paraît évident
que la science commence son mouvement propre à partir d'un
savoir qu'elle questionne.
Les
fontainiers de Florence utilisaient un savoir pour un pouvoir,
et cela leur suffisait. Parce que le problème jaillit d'un étonnement
à partir duquel la science se génère, le point de départ de
la Science est un questionnement du savoir: quelle est la raison
de son efficacité? La recette ne suffit plus, elle n'est qu'une
suite de constatation mémorisée.
La
science a pour lieu de naissance le champ du savoir, un ensemble
de connaissances pratiques, ce qui ne signifie pas qu'elle lui
soit réductible mais ce qui signifie qu'à l'opposé d' un
savoir qui ne rend pas compte de lui même et de ce qu'il
affirme, la science se tourne vers une enquête, l'exercice d'un
raisonnement vigilant pour produire des connaissances qui ne
soient plus simplement justifiées par le pouvoir, donner
à la connaissance cette dimension formelle et expérimentale
qu'elle n'a pas dans le savoir.
Dans
une société sans conscience, les acteurs ne voient plus la spécificité
de la science, ne voient plus que l'intérêt pratique, c'est à
dire le plus souvent l'intérêt guerrier. Ainsi on en arrivera
à préférer la recherche fondamentale, dans un contexte de
guerre, car c'est elle qui permet un pouvoir exercé par des
inventions de plus en plus meurtrières.
Dans ce cas, force est de constater que c'est le pouvoir de l'époque
qui commande et pèse sur le savoir comme sur la science. Mais
s'il est nécessaire que le savoir soit au service du pouvoir,
parce seul le pouvoir le justifie, ce n'est pas une nécessité
quand il s'agit de la science. On dira que science sans
conscience n'est que ruine de l'âme. |