"Par
matière j'entends par exemple l'airain, par forme la configuration
qu'elle revêt, et par le composé des deux la statue, le tout
concret." Aristote, Métaphysique, Z, 3, 1029 a.
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La matière est une puissance c'est à dire ce qui peut recevoir une forme
(amphore de terre cuite). Elle est ce de quoi et en quoi un être est
fait: la forme est ce par quoi un être est constitué: la forme configure
la matière qui n'est qu'une pure potentialité.
C'est dire que le tout
concret est le composé des deux. L'observation semble nous donner cette
dualité de deux éléments différents et complémentaires,
indissociables.
On peut se demander si cette dualité a quelque fécondité pour la
recherche et si elle ne revient pas à réduire la matière à une sorte
de "matière seconde" qui, n'apparaissant jamais sans la forme,
est inaccessible dans sa pureté de "matière première" et ne
peut par elle même accéder à l'existence. En réduisant la matière au
qualitatif (c'est lourd, c'est dur ...) ne se condamne-t-on pas à ne
jamais pouvoir la saisir que par des impressions subjectives.
Forme
et matière composent un tout indécomposable dans la réalité: si je
brise la forme de la statue d'Hermès, d'autres formes indissociables
d'une matière apparaîtront: celles des morceaux de la statue.
Celui qui dirait que la matière existe sans la forme supposerait une
actualisation antérieure à la forme (existe) qui n'en serait pas une:
une actualisation sans actualisation, puisque sans la forme il ne peut y
avoir d'actualisation.
Descartes répudiera le qualitatif d'Aristote pour lui substituer le
quantitatif.
"Nous saurons que la nature de la matière, ou du corps pris en
général ne consiste point en ce qu'il est une chose dure ou pesante, ou
colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement
en ce qu'il est une substance étendue en longueur, largeur et
profondeur." Descartes, Principes de la philosophie,II,
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