=>
René c'est d'abord
le chant du mal de vivre, de l'inconfort adolescent à la
frontière entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas
encore; c'est surtout le personnage central d'une
oeuvre, héros aux deux sens du terme, jeune homme
sensible et lucide dont la grandeur est fondée sur le
tragique de la servitude.
On
passe du héros tel qu'il devrait être au héros tel
qu'il est; du héros dont l'âge importe peu, à l'héroïsme
d'un jeune héros incarnant l'impuissance
et la grandeur qui marquent le tragique.
Essayez
de voir René par le regard des
contemporains:hanté par la mort, bousculé par les
soubresauts de l'histoire.
Pour eux c'est le héros moderne, celui dans lequel ils
reconnaissent l'infini de leurs aspirations et l'inutilité
de leurs actions.
=>
C'est un jeune homme
qui, appuyé par les femmes, critique une société prosaïque
avec d'autant plus de facilité qu'il est riche et peut
donc ignorer la nécessité du travail.
=>
Le jeune homme est donc
essentiellement disponible à tout car libéré de la nécessité
de choisir, de sacrifier, d'écarter. En un sens il est plein
de rêves dans un monde vide de
rêves et rien ne bride son imagination, l'extension de
son moi qui abonde en critiques des valeurs, des préjugés
et de la plate condition sociale.
=>
La
tâche de René se réduit donc à exister, à se
supporter dans l'épreuve de soi qu'est l'existence, avec
une prise de parole qui exprime et se contente d'exprimer
avant de mourir. Comprenons que René NE
FAIT RIEN parce que, il le sait, le
"faire" est condamné à l'échec.
=> René
est malade de ne pouvoir incarner ses rêves: comme
Julien Sorel de Stendhal, Meursault et Clamence de Camus, René
est seul sur la terre et il proteste, et il souffre,
de ne pouvoir conserver l'enfance qu'il a perdue.
=> René
rêve d'éternité, d'une impossible conservation du
passé, d'un temps retrouvé, ce qui le plonge
dans le vague des passions, dans ce mal du siècle
né d'une aspiration à l'éternité que la réalité
contredit sans cesse (relire le début du chapitre 9 dans
le Génie du christianisme. René devait suivre
ce chapitre).
=> René
marque donc la mort et la naissance du héros:
La disparition du chevalier solitaire, oisif et
l'apparition du sentiment de l'existence comme fondement
d'un projet impossible, la contemplation de soi: être soi
même, rouler pour soi sans perdre l'humanité, vivre dans
la marge tout en restant dans le texte.
=>
Conclusion
Autant dire que René exprime
magnifiquement le désir de l'individu, l'affirmation de
soi: ne pas mourir.
Pistes
de recherches:
René solitaire solitaire
solitaire => orphelin
=> sans port d'attache
=> hanté par la mort
=> tenté par le vertige
de l'inceste avec sa sœur =>
incapable d'une parole libératrice
(à comparer avec François-René de Chateaubriand).solitaire
Pistes
de lectures:
Chateaubriand, René
Mémoires d'outre tombe (les dernières pages:
perspective de lecture: suivre le temps pour mieux le
vaincre).
Benjamin
Constant,
Adolphe.
Sainte Beuve, Joseph
Delorme
Hugo, Hernani.
Stendhal, Armance,
Le Rouge et le Noir, La Chartreuse de Parme.
Balzac, Le
père Goriot.
Proust, Le temps retrouvé.
Camus, L'étranger - Dans
Noces lire le désert qui règle son compte
à la peur de mourir et au malaise de la frontière.
=>Sur l'inutilité de l'action: Musset,
Lorenzaccio.
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