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L'héroïsme par  Joseph Llapasset

Chateaubriand et l'héroïsme

René . Héros de la modernité.

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François-René de Chateaubriand (1768-1848): En 1802, à 34 ans, avec René, il flotte dans une zone frontière de regret pour ce qui n'est plus et d'espérance de ce qui n'est pas encore.

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1802 ! Le triomphe de Atala, la faveur de Bonaparte, la rencontre de Juliette Récamier, la célébrité se conjuguent sur un fond de mélancolie née de la disparition d'un ordre ancien que l'histoire a mis au rancart: 
ce malaise profond devant le changement, devant la précarité de la vie -puisqu'à Paris, on meurt pour un oui ou pour un non- n'enlève rien à l'acuité de son attention pour l'histoire, l'exotisme, pour l'existence de l'individu dans un devenir qui semble se dérouler sans lui.

   

=> René c'est d'abord le chant du mal de vivre, de l'inconfort adolescent à la frontière entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore; c'est surtout le personnage central d'une oeuvre, héros aux deux sens du terme, jeune homme sensible et lucide dont la grandeur est fondée sur le tragique de la servitude.

On passe du héros tel qu'il devrait être au héros tel qu'il est; du héros dont l'âge importe peu, à l'héroïsme d'un jeune héros incarnant l'impuissance et la grandeur qui marquent le tragique.

Essayez de voir René par le regard des contemporains:hanté par la mort, bousculé par les soubresauts de l'histoire.
Pour eux c'est le héros moderne, celui dans lequel ils reconnaissent l'infini de leurs aspirations et l'inutilité de leurs actions.

=> C'est un  jeune homme qui, appuyé par les femmes, critique une société prosaïque avec d'autant plus de facilité qu'il est riche et peut donc ignorer la nécessité du travail.

=> Le jeune homme est donc essentiellement disponible à tout car libéré de la nécessité de choisir, de sacrifier, d'écarter. En un sens il est plein de rêves dans un monde vide de rêves et rien ne bride son imagination, l'extension de son moi qui abonde en critiques des valeurs, des préjugés et de la plate condition sociale.

=> La tâche de René se réduit donc à exister, à se supporter dans l'épreuve de soi qu'est l'existence, avec une prise de parole qui exprime et se contente d'exprimer avant de mourir. Comprenons que René NE FAIT RIEN parce que,  il le sait, le "faire" est condamné à l'échec.
=> René est malade de ne pouvoir incarner ses rêves: comme Julien Sorel de Stendhal, Meursault et Clamence de Camus, René est seul sur la terre et il proteste, et il souffre, de ne pouvoir conserver l'enfance qu'il a perdue.
=> René rêve d'éternité, d'une impossible conservation du passé, d'un temps retrouvé, ce qui le plonge dans le vague des passions, dans ce mal du siècle né d'une aspiration à l'éternité que la réalité contredit sans cesse (relire le début du chapitre 9 dans le Génie du christianisme. René devait suivre ce chapitre).
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René marque donc la mort et la naissance du héros:
La disparition du chevalier solitaire, oisif et l'apparition du sentiment de l'existence comme fondement d'un projet impossible, la contemplation de soi: être soi même, rouler pour soi sans perdre l'humanité, vivre dans la marge tout en restant dans le texte. 

=> Conclusion
Autant dire que René exprime magnifiquement le désir de l'individu, l'affirmation de soi: ne pas mourir.

Pistes de recherches:
René solitaire solitaire solitaire => orphelin => sans port d'attache => hanté par la mort => tenté par le vertige de l'inceste avec sa sœur => incapable d'une parole libératrice (à comparer avec François-René de Chateaubriand).
solitaire

Pistes de lectures:
Chateaubriand, René
Mémoires d'outre tombe
(les dernières pages: perspective de lecture: suivre le temps pour mieux le vaincre).

Benjamin Constant, Adolphe.
Sainte Beuve, Joseph Delorme
Hugo, Hernani.
Stendhal,
Armance, Le Rouge et le Noir, La Chartreuse de Parme.
Balzac, Le père Goriot.
Proust, Le temps retrouvé.
Camus, L'étranger - Dans Noces lire le désert qui règle son compte à la peur de mourir et au malaise de la frontière.
=>Sur l'inutilité de l'action: Musset, Lorenzaccio.