Lire Heidegger.
Il devrait être
possible de vous donner une aide pour lire cet auteur très
abstrait.
La lecture de Être
et Temps doit vous paraître très difficile. Il est
important de voir que cette oeuvre est inachevée ce qui
signifie que l'auteur a buté sur une difficulté qu'il a jugée
être insurmontable. La suite de l'oeuvre va donc changer de
direction et mettre l'accent sur l'Être.
D'un point de
vue historique, il faut savoir qu'elle date de 1929 et que
quatre ans plus tard, en 1933, Heidegger prend sa carte au parti
nazi et la garde jusqu'en 1945.
Dans son
premier ouvrage Heidegger était parti d'un bon pas sur une
analyse de l'homme le Dasein qui signifie "être là".
L'homme est
temporalité: certes il a un devenir dans le temps mais il se
temporalise par des projets et en revenant sur son passé, vers
ce qui n'est pas encore et vers ce qui n'est plus. En posant la
question: quel est le mode d'être dans le temps de l'homme, étant
singulier, l'auteur se risque, avec le danger de sombrer dans
l'anthropomorphisme (relativisme) et de rester prisonnier d'un
langage qui apporte avec lui les fumées de la métaphysique et
le préjugé ancien, l'illusion de l'éternité.
En réaction,
la pensée de Heidegger s'oriente alors vers l'Être ce qui l'amène
à se détourner d'une tentation volontariste, celle de
rectifier le cours de l'histoire, tentation à repousser puisque
le cours historique échappe à l'homme: en se tournant vers l'être
il s'agit de s'apaiser et de se recueillir dans l'attente: que
le temps réalise ce qui doit être réalisé (destin).
Que signifie
donc ce passage de l'homme à l'Être?
Il s'agit de se
déprendre d'une illusion qui ferait de l'homme un centre de référence
au fondement de ce qui est. (c'est le contresens que fera Sartre
sur Heidegger: si l'existence précède l'essence, alors la vérité
de l'essence est subordonnée au sujet).
Ce n'est pas
l'homme qui fait advenir ce qui est, l'homme ne peut être que
le "berger de l'être": comprendre que l'homme n'a pas
à diriger ou à rectifier le cours de l'histoire de l'Être,
mais doit bien plutôt s'y soumettre comme on se soumet à un
destin que l'on n'a pas écrit.
Il est donc
vain de vouloir modeler ce qui est sur ce qui doit être (sur
une éthique des Valeurs) par une politique volontariste qui se
prétendrait humaniste. Dans ces conditions c'est l'idée même
d'éthique qui devient une fumée sur laquelle on ne peut rien
appuyer. Tout serait-il permis à l'Être? Reste à attendre que
soit révélé ce qui doit être révélé, quand le temps sera
venu.
Bonne lecture
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