° Philo-prepas   AUTRUI

PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

Gabriel MARCEL    

  Au Sommaire:  Une philosophie existentielle et non pas existentialiste.  

- Autrui, problème ou mystère?

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Le solipsisme (théorie d’après laquelle il n’y aurait pour le sujet pensant d’autre réalité que lui-même) est un avatar (ou une conséquence) de la distinction sujet-objet: il inscrit un cercle de solitude car il altère l’autre en idée de l’autre, exilant autrui à l’extérieur d’un cercle que je forme avec moi-même.

Au contraire pour Gabriel MARCEL, il y a une connexion profonde de l’intime je et du transcendant tu, dans une co-présence: la relation est donc créatrice du je et du tu parce que attendre de quelqu’un c’est d’abord donner la parole, reconnaître la liberté d’autrui dans laquelle je se retrouve: c’est être dans l’autre comme l’autre est en moi: les retrouvailles de la liberté, création de l’espérance.

   C’est dire que le toi, dans son individualité, est, comme liberté, irréductible aux intérêts comme aux jugements. Au regard du toi aimé, les déterminations objectives (l’autre désarticulé) sont insignifiantes. (Introduction de Joseph)

Journal métaphysique : 11 novembre 1932
" … Rien ne fera que les autres ne soient pas ma pensée des autres… Je crois que c’est précisément cette position qu’il faut refuser radicalement. Si j’admets que les autres ne sont que ma pensée des autres, mon idée des autres, il devient absolument impossible de briser un cercle qu’on a commencé par tracer autour de soi. –Si l’on pose le primat du sujet-objet – de la catégorie du sujet-objet – ou de l’acte par lequel le sujet pose des objets en quelque sorte au sein de lui-même, l’existence des autres devient impensable – et sans aucun doute n’importe quelle existence quelle qu’elle puisse être…
…………

   "Lorsque je traite un autre comme un toi et non plus comme un lui, cette différence de traitement ne qualifie-t-elle que moi-même, mon attitude envers cet autre, ou bien puis-je dire qu'en le traitant comme un toi je pénètre plus avant en lui, que j'appréhende plus directement son être ou son essence?
     Ici encore il faut prendre garde; Si par "pénétrer plus avant ", ou par " appréhender plus directement son essence" on veut dire parvenir à une connaissance plus exacte ou en un sens quelconque plus objective il faut sans aucun doute répondre non. A cet égard, il sera toujours possible, Si l'on s'en tient à un mode de détermination objective, de dire que le toi est une illusion. Mais remarquons que le terme même d'essence est extrêmement ambigu; par essence on peut entendre ou une nature ou une liberté; il est peut-être de mon essence en tant que liberté de pouvoir me conformer ou non à mon essence en tant que nature. Il est peut-être de mon essence de pouvoir n'être pas ce que je suis; tout simplement de pouvoir me trahir. Ce n'est pas l'essence en tant que nature que j'atteins dans le toi. En effet en le traitant comme lui je réduis l'autre à n'être que nature: un objet animé qui fonctionne de telle façon et non de telle autre. Au contraire, en traitant l'autre comme toi, je le traite, je le saisis comme liberté; je le saisis comme liberté, car il est aussi liberté et non pas seulement nature. Bien plus, je l'aide en quelque sorte à être libéré, je collabore à sa liberté - formule qui paraît extrêmement paradoxale et contradictoire, mais que l'amour ne cesse de vérifier. Mais d'autre part c'est en tant que liberté qu'il est véritablement autre; en tant que nature en effet il m'apparaît identique à ce que je suis moi-même en tant que nature -et c’est sans doute par ce biais et par ce biais seulement que je puis opérer sur lui par suggestion (confusion redoutable et fréquente entre l'efficacité de l'amour et celle de la suggestion).

   Par là s'éclairent mes formules de ce matin. L'autre en tant qu'autre n'existe pour moi qu'en tant que je suis ouvert à lui (qu'il est un toi), mais je ne suis ouvert à lui que pour autant que je cesse de former avec moi-même une sorte de cercle à l'intérieur duquel je logerais en quelque sorte l'autre, ou plutôt son idée; car par rapport à ce cercle l'autre devient l'idée de l'autre - et l'idée de l'autre ce n'est plus l'autre en tant qu'autre, c'est l'autre en tant que rapporté à moi, que démonté, que désarticulé ou en cours de désarticulation. " Gabriel Marcel

"La réflexion sur l'être et l'avoir va l'aider à analyser ce que nous avons appelé l'intersubjectivité dégradée dans son opposition et sa relation à l'intersubjectivité parfaite." (Préface de ÊTRE ET AVOIR, Editions Universitaires 1991- page 10 - Jeanne Parain-Vial)

Autrui est-il un problème?  

   Beaucoup de sujets sur Autrui tourneront autour de la distinction: obstacle, moyen, problème , mystère. Voici un texte de Gabriel Marcel à qui nous devons la distinction entre problème et mystère etc… (Voir les figures d’autrui)

  "Il semble bien en effet qu'entre un problème et un mystère il y ait cette différence essentielle qu'un problème est quelque chose que je rencontre, que je trouve tout entier devant moi, mais que je puis par là même cerner et réduire - au lieu qu'un mystère est quelque chose en quoi je suis moi-même engagé, et qui n'est par conséquent pensable que comme une sphère où la distinction de l'en moi et du devant moi perd sa signification et sa valeur initiale. Au lieu qu'un problème authentique est justiciable d'une certaine technique appropriée en fonction de laquelle il se définit, un mystère transcende par définition toute technique concevable. Sans doute est-il toujours possible (logiquement et psychologiquement) de dégrader un mystère pour en faire un problème; mais c'est là une procédure foncièrement vicieuse et dont les sources devraient peut-être être cherchées dans une sorte de corruption de l'intelligence. Ce que les philosophes ont appelé le problème du mal nous fournit un exemple particulièrement instructif de cette dégradation.

   Par le fait même qu'il est de l'essence du mystère d'être reconnu ou à reconnaître, il peut aussi être méconnu et activement nié; il se réduit alors à quelque chose dont "j'ai entendu parler", mais que je récuse comme n'étant que pour d'autres, et cela en vertu d'une illusion dont ces "autres" sont dupes, illusion que je prétends quant à moi avoir percée à jour.
Toute confusion entre le mystère et l'inconnaissable doit être soigneusement évitée: l'inconnaissable n'est en effet qu'une limite du problématique qui ne peut être actualisée sans contradiction. La reconnaissance du ) mystère est au contraire un acte essentiellement positif de l'esprit, l'acte positif par excellence et en fonction duquel il se peut que toute positivité se définisse vigoureusement. Tout paraît se passer ici comme Si je pouvais bénéficier d'une intuition que je possède sans savoir immédiatement que je la possède, d'une intuition qui ne saurait être, à proprement parler, pour soi, mais ne se saisit elle-même qu'à travers les modes d'expérience sur lesquels elle se réfléchit et qu'elle illumine par cette réflexion même. La démarche métaphysique essentielle consisterait dès lors en une réflexion sur cette réflexion, en une réflexion à la seconde puissance par laquelle la pensée se tend vers la récupération d’une intuition qui se perd au contraire en quelque façon dans la mesure où elle s’exerce. "

Gabriel Marcel, Journal métaphysique - 23 Décembre 1932.

Voir dans "aides aux dissertations": Les consciences peuvent-elles communiquer les unes avec les autres? 

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